(Lahore) Les organisatrices de la Journée internationale des droits des femmes au Pakistan ont reçu des « menaces de mort » après une intense campagne de désinformation menée par des islamistes, ont indiqué vendredi à l’AFP certaines d’entre elles.

Des milliers de femmes ont participé lundi aux marches organisées à cette occasion dans ce pays musulman profondément conservateur.

Vidéos trafiquées

Mais des images trafiquées de l’évènement ont rapidement fait leur apparition sur les réseaux sociaux et dans certaines émissions de télévision populaires. Dans une vidéo, la bande-son a été modifiée pour suggérer que des participants à la marche organisée à Karachi, dans le sud du pays, chantaient des slogans blasphématoires à l’encontre du prophète Mahomet.

PHOTO ASIF HASSAN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Des participantes à la marche des femmes du 8 mars dernier à Krachi, au Pakistan.

Le blasphème est une question brûlante au Pakistan, où il est passible de la peine de mort.

Une photo a aussi été reprise par plusieurs médias avec l’affirmation, fausse, que des femmes brandissaient un drapeau français. Il s’agissait en fait du drapeau d’une organisation féministe pakistanaise.

Le Pakistan a été le théâtre de manifestations anti-françaises, souvent houleuses, après la republication en septembre des caricatures du prophète Mahomet par l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo.

C’est un moyen pour les conservateurs de nous faire reculer et l’objectif final de tout ça, c’est que la marche des femmes ne se reproduise pas.

Moneeza Ahmed, une des organisatrices de la marche à Karachi,

Mme Ahmed a décrit les menaces de mort comme étant « traumatisantes ».

À Karachi, les organisatrices ont été menacées dans des messages reçus en ligne. À Lahore, dans l'est du pays, plusieurs organisatrices ayant requis l’anonymat par peur de représailles ont affirmé à l’AFP avoir reçu de « sérieuses menaces de mort » par courriel, téléphone ou dans des messages écrits.

La Commission pakistanaise des droits humains a dénoncé une « campagne délibérée et malveillante » équivalant à une « incitation à la violence ».  

Coups de bâton

Chaque année depuis la première édition en 2018 à Karachi, les marches organisées au Pakistan pour la Journée internationale des droits des femmes ont été caractérisées par la profonde hostilité des milieux islamistes, qui ont tenté de les faire interdire par la justice.

L’an passé dans la capitale Islamabad, des islamistes avaient attaqué à coups de bâtons, pierres et briques les participantes à cette marche.

Une grande partie du Pakistan vit sous un code patriarcal qui systématise l’oppression des femmes. Celles qui cherchent à s’émanciper en choisissant leur mari ou en travaillant hors de la maison sont régulièrement opprimées.