(Rangoun) La pression internationale s’accroît sur la junte militaire birmane : le Conseil de sécurité de l’ONU a « fermement » condamné mercredi les violences contre les manifestants anti-coup d’État, la Chine a appelé à la « désescalade » et au « dialogue », et les États-Unis ont adopté des sanctions contre des proches du pouvoir.

Dans sa déclaration adoptée à l’unanimité des 15 membres, donc également par la Chine et la Russie, des alliées traditionnelles des généraux birmans, l’organe exécutif des Nations unies s’en est pris de manière inédite à l’armée qu’il appelle à « faire preuve de la plus grande retenue ».

Dénonçant les agissements violents des forces de sécurité « contre des manifestants pacifiques, incluant des femmes, des jeunes et des enfants », le Conseil demande aux parties de « chercher une solution pacifique » à la crise provoquée par le coup d’État du 1er février, dans ce texte rédigé par le Royaume-Uni.

Il réclame en outre « la libération immédiate de toutes les personnes détenues arbitrairement », sans toutefois mentionner la possibilité de sanctions internationales.

« Il est maintenant temps de procéder à la désescalade » et « il est temps de dialoguer », a souligné l’ambassadeur chinois à l’ONU Zhang Jun dans un communiqué, en affirmant que « la Chine avait participé à la négociation » organisée pendant six jours par le Royaume-Uni au sein du Conseil de sécurité pour cette déclaration « d’une manière constructive ».

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« Il est important que les membres du Conseil parlent d’une seule voix. Nous espérons que le message du Conseil sera de nature à améliorer la situation en Birmanie », a insisté le diplomate chinois.

« Critiquer les militaires, c’est une première pour la Chine », a relevé un diplomate européen sous couvert d’anonymat, surpris du virage chinois alors que Pékin a toujours qualifié la crise en Birmanie d’« affaire interne ».

Les États-Unis sont également intervenus, en adoptant des sanctions contre deux enfants adultes du dirigeant de la junte qui s’est emparé du pouvoir, Min Aung Hlaing.

L’organisation de défense des droits de la personne Amnistie internationale a dénoncé jeudi des « exécutions extrajudiciaires » et le recours à des armes de guerre, expliquant dans un communiqué avoir analysé 55 vidéos, filmées entre le 28 février et le 8 mars par des membres du public et des médias locaux, montrant que « la force létale est utilisée de manière planifiée, préméditée et coordonnée » par l’armée birmane.

Profitant des atermoiements jusqu’alors de la communauté internationale, qui recherchait avec difficulté ces derniers jours une position commune, la junte a de son côté poursuivi la répression.

Des policiers et des soldats ont été déployés en nombre mercredi autour de l’enceinte où réside le personnel ferroviaire de la gare Ma Hlwa Gone, dans l’est de Rangoun, la capitale économique.

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« Arrêt complet de l’économie »

Médecins, enseignants, employés des compagnies d’électricité, cheminots, de nombreux fonctionnaires ont cessé le travail après le putsch qui a renversé le gouvernement civil d’Aung San Suu Kyi.

Les principaux syndicats ont appelé à « l’arrêt complet de l’économie » pour tenter de paralyser la Birmanie et d’augmenter la pression sur les militaires.

La junte a quant à elle ordonné aux fonctionnaires de reprendre le travail, faute de quoi ils seraient licenciés et s’exposeraient à des représailles, tandis que les manifestations sont quotidiennes dans tout le pays.

Mercredi, une forte présence policière et militaire était visible à travers Rangoun.

Des barricades de fortune érigées par les contestataires ont été incendiées et, dans le quartier d’Okkalapa, il a été procédé à « une centaine » d’interpellations, d’après un secouriste. « Certains manifestants ont été battus, il y a des blessés ».

« Nous appelons les forces de sécurité à se retirer de la zone, à libérer les détenus et à permettre aux gens de partir en toute sécurité », a déclaré l’ambassade des États-Unis sur Twitter.

Raids contre des habitations, des hôpitaux, des universités, arrestations en masse, tirs à balles réelles : la junte semble plus déterminée que jamais à vouloir éteindre le vent de fronde largement pacifique qui souffle sur la Birmanie.

Au moins 60 civils ont été tués et près de 2000 personnes arrêtées depuis le 1er février, d’après l’Association d’assistance aux prisonniers politiques.

Morts en détention

Les députés du parti d’Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), qui ont créé un comité pour représenter le gouvernement civil, se rendent coupables de « haute trahison », un crime passible de la peine de mort ou de 22 ans de détention, a récemment averti la junte.

Deux responsables de la LND sont morts en détention ces derniers jours, très peu de temps après leur interpellation. Beaucoup ont été arrêtés. L’ex-président de la République Win Myint et l’ancienne cheffe du gouvernement Aung San Suu Kyi ont été mis au secret.

Les médias indépendants sont également pris pour cible. Plusieurs ont été visés par des opérations de police et une vingtaine de journalistes sont en détention.

Le passage en force des généraux, alléguant de vastes fraudes électorales aux législatives de novembre remportées massivement par la LND, a mis fin à une décennie de transition démocratique en Birmanie.