(Bichkek) Au moins cinq personnes ont été blessées lors de violences entre manifestants rivaux dans la capitale du Kirghizstan, Bichkek, la crise politique continuant de s’aggraver dans ce pays d’Asie centrale.

Le chef de l’État Soroonbaï Jeenbekov, invisible depuis quatre jours, a signé un décret imposant l’état d’urgence dans la capitale, mais rien ne dit qu’il sera appliqué, plusieurs clans politiques ayant pris le contrôle des différents organismes gouvernementaux.

Vendredi soir, des témoins ont toutefois rapporté avoir vu des véhicules militaires circulant dans Bichkek.

Le Kirghizstan est plongé dans une tempête politique depuis le déclenchement d’un mouvement de protestation contre des fraudes aux élections législatives de dimanche, remportées par deux partis proches de Sooronbaï Jeenbekov.

Des groupes politiques adverses, opposés au président, se disputent désormais le pouvoir.  

PHOTO VLADIMIR VORONIN, ASSOCIATED PRESS

Des partisans de l'ex-président Almazbek Atambaïev ont manifesté au centre de Bichkek.

« Tirs à balles réelles »

Vendredi, des affrontements entre militants ont ainsi éclaté dans le centre de Bichkek, en marge d’une manifestation organisée par un groupe d’opposition représentant plusieurs partis.

Le ministère de la Santé a indiqué à l’AFP qu’au moins cinq personnes avaient été blessées, dont un jeune homme politique en vue, Tilek Toktagaziyev, touché par des jets de pierres.  

Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, l’ancien président Almazbek Atambaïev a affirmé que sa voiture avait été visée par des tirs lors des heurts, alors que ses soutiens avaient également organisé une manifestation dans la journée.  

« La voiture de l’ancien président a été touchée par des balles réelles », a indiqué à l’AFP sa porte-parole, Koundouz Joldoubaïeva.

Ancien mentor du président Jeenbekov, devenu son grand rival, Almazbek Atambaïev a été libéré lundi de prison lors d’une nuit d’émeutes. Il purgeait une peine de 11 ans de réclusion pour avoir fait relâcher un chef mafieux de prison et attendait un second procès pour son rôle dans la résistance armée à son arrestation.

PHOTO VYACHESLAV OSELEDKO, AGENCE FRANCE-PRESSE

L'ex-président Almazbek Atambaïev salue ses partisans lors d'un rassemblement à Bichkek.

Ses assaillants pourraient être des militants soutenant le nationaliste Sadyr Japarov, qui s’est fait nommer mardi premier ministre dans des conditions troubles.  

Il a lui aussi été libéré lundi de prison, après avoir été condamné en 2017 à 11 ans et demi de réclusion pour une prise d’otages lors d’une précédente crise politique.

« Prêt » à démissionner

Le président Soroonbaï Jeenbekov, qui n’est pas apparu en public depuis lundi, a annoncé tôt vendredi matin qu’il était « prêt » à quitter son poste « lorsque des autorités légitimes auront été approuvées et que nous serons de retour sur la voie de la légalité ».

Cette démission pourrait intervenir une fois que des changements auront été effectués au sein du gouvernement et une date fixée pour de nouvelles élections, a fait savoir la présidence dans un communiqué.  

La première condition a été remplie, M. Jeenbekov, ayant signé un décret limogeant le gouvernement.

Les heurts, notamment de violents affrontements entre manifestants et policiers lundi, ont fait un mort et plus de mille blessés. Cette crise fait craindre une flambée de violences au Kirghizstan, considéré comme un îlot de pluralisme dans une région où les régimes autoritaires sont la règle.

Vendredi, une autre manifestation avait été organisée à Bichkek contre la criminalité organisée, qui gangrène la politique aux yeux de nombreux Kirghiz.

La veille, des personnalités de partis d’opposition ont affirmé contrôler le bureau du procureur ou encore le ministère de l’Intérieur. Aucune présence policière n’était visible devant les principaux bâtiments gouvernementaux.

Les puissants services de sécurité (GKNB) ont quant à eux intimé à la classe politique de remettre de l’ordre et la Russie, la puissance régionale, a reconnu l’autorité de l’homme qui a pris le contrôle du GKNB à la faveur du chaos des derniers jours, Omourbek Souvanaliev.

Le Kremlin a déclaré que le patron des services de sécurité russes (FSB) avait signifié son soutien à M. Souvanaliev dans les « efforts du GKNB pour stabiliser la situation et éviter le chaos ».

Reste que même Moscou ne semble pas certain de pouvoir peser sur l’issue de cette crise politique. Stanislav Zas, le secrétaire général de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), une union politico-militaire menée par la Russie, a proposé vendredi son aide pour « jouer un rôle de médiateur ».