(Séoul) La Corée du Nord devrait samedi faire étalage avec ostentation de ses dernières technologies militaires lors d’un défilé géant à Pyongyang, malgré la menace sanitaire, à l’occasion du 75e anniversaire de la fondation du Parti des travailleurs.

Le ministère sud-coréen de l’Unification a dit jeudi au Parlement s’attendre à « un défilé de grande ampleur » et l’étude des photos satellite fait dire au site 38North, généralement bien informé, que la célébration de cet anniversaire pourrait être énorme.

L’évènement intervient dans un contexte intérieur très lourd du fait de l’impact de la pandémie et d’une série de typhons qui ont durement touché ce pays en proie à des sanctions drastiques.

Soumis à une série de sanctions draconiennes de la communauté internationale, le pays n’a jamais confirmé un seul cas de coronavirus sur son sol, alors que la maladie apparue dans la Chine voisine s’est propagée aux quatre coins du monde.

Pyongyang a fermé en janvier ses frontières pour tenter d’empêcher la propagation du virus.

Pas de média étranger

La semaine dernière, des militaires nord-coréens ont abattu un ressortissant sud-coréen qui se trouvait dans les eaux du Nord, vraisemblablement pour ne pas prendre le risque d’une épidémie s’il était porteur du coronavirus.

L’affaire a provoqué un tollé au Sud, et a été suivie de rarissimes excuses de Kim Jong-un.

Samedi, des milliers de militaires devraient marcher au pas de l’oie sur la Place-Kim-Il-Sung, qui doit son nom au fondateur du régime, sous les yeux de son petit-fils Kim Jong-un.

Les véhicules militaires devraient se succéder, tous plus gros les uns que les autres, dans une longue progression jusqu’au clou du spectacle, les missiles, selon ce que Pyongyang voudra faire passer comme message.

Les experts sont convaincus que la Corée du Nord a poursuivi ses programmes nucléaires et balistiques, qu’elle justifie par la menace américaine, y compris pendant les négociations avec les États-Unis, dans une impasse depuis plus d’un an.

Certains experts estiment que Pyongyang pourrait exhiber samedi un nouveau missile mer-sol balistique stratégique (MSBS) ou un missile balistique intercontinental (ICBM) susceptible d’atteindre le territoire continental américain, voire même un missile doté de multiples corps de rentrée qui permettrait ainsi de tromper les systèmes de défense américain.  

Et cette fois, contrairement à de précédents défilés, aucun média étranger n’a été invité. Nombre d’ambassades sont fermées du fait des restrictions liées au coronavirus, ce qui fait que le nombre d’observateurs étrangers sera limité.  

Masques et Missiles

On ignore encore si la télévision d’État KCTV diffusera le défilé en direct, ou le retransmettra en différé, comme cela lui arrive parfois.

Mais le gouvernement sud-coréen a décelé des signes selon lesquels M. Kim allait d’exprimer en direct lors du défilé, rapporte vendredi l’agence sud-coréenne sans dévoiler ses sources.

Fin décembre, le leader nord-coréen avait menacé de présenter une « nouvelle arme stratégique » mais certains experts pensent que Pyongyang n’a pas l’intention d’irriter la Maison-Blanche avant la présidentielle américaine.  

Présenter ces armes stratégiques lors d’un défilé serait « cohérent avec les promesses de Kim Jong-un », en étant moins provocateur qu’un essai militaire, a déclaré Rachel Lee, une experte des questions nord-coréennes qui travaillait auparavant pour le gouvernement américain.

Dans ce contexte, le message adressé par le régime lors du défilé devrait surtout être à destination de la population nord-coréenne, en mettant en avant « les réalisations du Parti, l’unité autour du leader, l’amélioration de l’économie avant le Huitième Congrès du Parti », a-t-elle poursuivi en référence à une réunion prévue en janvier.

Reste que l’évènement, qui implique des milliers de persones, pourrait être très propice à la propagation du coronavirus, à moins que des « précautions extrêmes » ne soient prises, observe Harry Kazianis, du Center for National Interest.

Ce genre de mesure est cependant « très improbable », poursuit-il : « Masques et missiles ne font pas bon ménage. »