Tout en menant une répression tous azimuts dans ses frontières, la Chine multiplie les interventions à l’étranger pour faire taire ses critiques et, ce faisant, menace l’efficacité des structures mises en place au niveau international pour assurer la promotion des droits de la personne, prévient Human Rights Watch (HRW).

Dans son plus récent rapport annuel, l’organisation sonne l’alarme sur l’impact des multiples stratagèmes utilisés par le régime du président Xi Jinping pour parvenir à ses fins et presse les États démocratiques de hausser le ton avant qu’il ne soit trop tard.

« Si elles ne sont pas contrecarrées, les actions de Pékin mènent tout droit à un monde dystopique où personne n’est à l’abri des censeurs chinois et un système international de défense des droits de la personne si affaibli qu’il ne permet plus de contrer la répression gouvernementale », prévient le directeur de HRW, Kenneth Roth, en préambule du document.

Les autorités chinoises, relève-t-il, rejettent depuis longtemps les critiques de l’étranger sur la question des droits de la personne comme une forme d’« atteinte à la souveraineté » du pays, mais leurs efforts passés à ce sujet étaient sensiblement plus limités.

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Kenneth Roth, directeur de Human Rights Watch, mardi, en conférence de presse au siège social des Nations unies, à New York

Maintenant, la Chine intimide les autres gouvernements, insiste pour qu’ils l’applaudissent dans les forums internationaux et soutiennent ses attaques contre le système international des droits de la personne.

Extrait du rapport de Human Rights Watch

La création d’un réseau d’États complaisants à son égard passe par le commerce et l’aide chinoise, évalue HRW.

Le fait que le Parti communiste conserve la main haute sur l’économie du pays lui donne un puissant levier pour faire taire d’éventuels détracteurs puisqu’il lui permet de fermer l’accès à l’ensemble du marché chinois par une décision centralisée, note HRW.

Prix à payer

La National Basketball Association (NBA) a récemment pâti de ce mécanisme lorsque 11 firmes chinoises partenaires de la ligue ont coupé les ponts, sur ordre de Pékin, pour protester contre l’appui d’un directeur d’équipe aux manifestants de Hong Kong.

L’Initiative ceinture et route (ICR) lancée à grands frais par Pékin pour favoriser de nouvelles routes commerciales en soutenant le développement d’infrastructures-clés dans plusieurs pays d’Asie, d’Afrique et d’Europe, est un autre outil utilisé par le régime communiste.

Les prêts massifs accordés dans le cadre du programme permettent de lier les mains des pays récipiendaires et leur impose de demeurer silencieux, voire d’applaudir le bilan chinois en matière de droits de la personne, relève HRW.

Le Pakistan, qui bénéficie de l’ICR, a salué récemment les efforts de la Chine « pour prendre soin de ses citoyens musulmans » alors que le régime est accusé de détenir arbitrairement plus d’un million de Ouïghours dans des camps présentés comme des « centres de rééducation ».

Pékin, relève HRW, s’efforce aussi de peser de tout son poids sur les instances onusiennes, limitant considérablement dans le processus leur capacité à défendre les droits de la personne.

Pékin a notamment bloqué au cours des dernières années des résolutions condamnant des exactions survenues dans des pays comme la Syrie, l’Érythrée ou la Biélorussie et cherche régulièrement à faire valoir que le progrès économique doit primer la nécessité de défendre les droits de la personne.

Le régime communiste n’hésite pas non plus à intervenir énergiquement pour contrôler les efforts de supervision du Conseil des droits de l’homme des Nations unies.

Ses représentants ont menacé des délégations critiques tout en poussant des pays alliés à louanger ses réalisations lors d’une révision de son bilan en 2018 et 2019.

Face à « l’attaque frontale » de Pékin au niveau international, Kenneth Roth relève qu’il est urgent pour les gouvernements démocratiques de durcir le ton et de « rompre radicalement avec la complaisance » ayant trop longtemps prévalu.

Plus personne, note HRW, ne continue aujourd’hui de prétendre que le régime chinois deviendra démocratique à mesure que l’économie progressera.

L’idée que le pays puisse évoluer positivement en matière de droits de la personne en se voyant critiquer discrètement derrière des portes closes est aussi un leurre, prévient l’organisation, qui presse les États critiques d’unir leurs forces de manière à se prémunir contre le pouvoir de nuisance économique de la Chine.

Réplique cinglante

L’analyse de HRW a été accueillie agressivement par Pékin, qui avait empêché Kenneth Roth de se rendre à Hong Kong en début de semaine pour divulguer le rapport avant même d’en connaître le contenu.

Un diplomate de la mission chinoise aux Nations unies, Xing Jisheng, est intervenu mardi à la fin de la conférence de presse finalement tenue à New York pour souligner son indignation.

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Xing Jisheng, diplomate de la mission chinoise aux Nations unies, est intervenu mardi à la fin de la conférence de presse à New York.

« Le rapport est rempli de préjugés et de fabulations et ignore l’information factuelle fournie par le gouvernement à travers les années », a-t-il noté en insistant sur l’importance du développement économique enregistré par la Chine au fil des décennies et de ses efforts en matière de droits de la personne.

« Nous avons rapporté ce qui s’est passé mais nous n’avons effectivement pas appelé ça un progrès », a rétorqué M. Roth en évoquant la détention massive de membres de l’ethnie ouïghoure et la répression du mouvement de contestation à Hong Kong.