Les autorités ont décidé de recourir à la force hier à Hong Kong pour contrôler le mouvement de protestation suscité par un projet de loi qui risque, au dire de ses critiques, de sonner le glas de l’autonomie de l’ex-colonie britannique.

« Les manifestants pensent que le gouvernement chinois veut faire de Hong Kong une ville chinoise comme les autres plutôt qu’une ville autonome », a indiqué hier Chit Wai John Mok.

Cet étudiant originaire de Hong Kong actuellement en Californie, dont le doctorat porte sur les mouvements sociaux dans la région, a échangé en ligne avec plusieurs amis ayant participé à la contestation.

« La plupart étaient extrêmement choqués de la force excessive utilisée par la police […]. Ils étaient aussi furieux que le gouvernement prétende qu’il y avait eu une émeute. C’est un mensonge », a-t-il expliqué.

Une loi qui faciliterait les extraditions

Les manifestants dénoncent la volonté du Conseil législatif d’adopter une loi qui aurait notamment pour effet de faciliter les extraditions vers la Chine continentale.

Ils craignent que Pékin, de plus en plus influent dans l’ex-colonie, n’utilise ce recours pour mettre le grappin sur des dissidents et les soumettre au système juridique chinois, largement aux ordres du Parti communiste.

La chef du gouvernement de Hong Kong, Carrie Lam, affirme que la loi à l’étude vise à combler un « vide » juridique qui permet à des individus recherchés pour des crimes majeurs de se terrer dans l’ex-colonie.

Les autorités citent à cet égard le cas d’une jeune résidante de Hong Kong qui a été tuée cet hiver durant un séjour à Taiwan. Les autorités locales pensent que son conjoint, originaire de Hong Kong, est responsable de sa mort, mais ne peuvent obtenir son extradition depuis qu’il est retourné dans l’ex-colonie.

Mme Lam prétend que la loi comporte des dispositions protégeant les résidants de Hong Kong contre des demandes d’extradition abusives, mais la population est sceptique.

Gaz lacrymogènes et balles de plastique

Dimanche, des centaines de milliers de personnes avaient défilé dans le calme pour faire entendre leurs doléances à ce sujet.

Hier, nombre d’entre eux sont retournés dans la rue et ont convergé en matinée vers le siège du Conseil législatif, qui devait débattre du texte en vue de permettre son adoption le 20 juin.

Bien que les autorités aient fait savoir rapidement que les discussions seraient reportées, les manifestants n’ont pas bronché.

Vers 15 h, un mouvement de foule a suscité une vive réplique des forces de sécurité massées devant le bâtiment. Des policiers ont utilisé des gaz lacrymogènes et tiré sur la foule avec des balles de plastique, blessant plusieurs manifestants à la tête.

Selon un décompte partiel, plus de 70 personnes ont été blessées, dont deux personnes qui recevaient en soirée des soins intensifs.

Le chef de la police Stephen Lo, cité par l’Agence France-Presse, a indiqué que ses hommes avaient fait preuve de retenue face aux « gangsters » qui menaçaient le siège du Conseil législatif.

Carrie Lam a abondé dans le même sens, affirmant, dans une intervention télévisée, que les manifestants n’étaient pas des « amis de Hong Kong ». La « confrontation radicale », a-t-elle ajouté, n’est pas une voie acceptable pour débloquer la situation.

Méfiance

Chit Wai John Wok a indiqué hier que les manifestants ne faisaient pas confiance au régime en place, considéré comme une simple émanation de Pékin.

La répression menée au cours des dernières années contre les leaders du Mouvement des parapluies, qui avaient réclamé en vain à la fin de 2014 une révision du système électoral, a alimenté cette méfiance.

Les autorités à Pékin « ne veulent pas qu’économiquement Hong Kong devienne comme le reste de la Chine, mais elles serrent vraiment la vis politiquement », dénonce l’étudiant, qui ne veut pas se hasarder à prédire quelles suites prendra le mouvement.

« C’est évident que beaucoup vont avoir peur après ce qui s’est passé aujourd’hui. Mais il y a toujours des courageux qui sont prêts à reprendre la rue », dit-il.