Depuis des années, le nombre d’alpinistes à l’assaut de l’Everest augmente. Or, malgré les critiques et la mort de 11 personnes, le gouvernement népalais n’a toujours pas l’intention de diminuer le nombre de permis délivrés pour grimper sur le toit du monde.

Pourquoi y a-t-il eu embouteillage sur l’Everest ?

Plusieurs raisons expliquent la file d’alpinistes au sommet de l’Everest ; le nombre toujours plus élevé d’adeptes et la saison favorable très courte sont les principales. Les activités de randonnée alpine sont particulièrement lucratives pour l’un des pays les plus pauvres de la planète, le Népal, avec environ 300 millions US de revenus chaque année. Cette année, le pays a remis 381 permis pour gravir la plus haute montagne, à quelque 11 000 $US chacun. La Chine, de son côté, a accordé 140 permis pour son ascension à partir du versant tibétain. À ces grimpeurs s’ajoute au moins un guide – un sherpa – par personne. « Le nombre grandit chaque année », note l’alpiniste québécois Gabriel Filippi. Il en était à sa troisième ascension tout en haut de la montagne de 8848 m cette année. D’autres ont mis en avant l’inexpérience de certains alpinistes. La saison de l’Everest est courte. En raison de vents violents, le sommet était moins accessible cette année, pour un total de six jours, contre onze l’an dernier. Résultat : un goulot d’étranglement.

De quoi les gens sont-ils morts ?

On ne connaît pas encore les circonstances exactes de la mort des 11 personnes ; grimper à cette altitude comporte des risques. Bon an, mal an, cinq personnes meurent sur l’Everest. Cette année, avec le nombre élevé d’alpinistes, l’encombrement au sommet a été montré du doigt comme un facteur possible du plus grand nombre de morts.

PHOTO NIRMAL PURJAL/NIMSDAI PROJECT POSSIBLE, ASSOCIATED PRESS

Bon an, mal an, cinq personnes meurent sur l’Everest. Cette année, avec le nombre élevé d’alpinistes, l’encombrement au sommet a été montré du doigt comme un facteur possible du plus grand nombre de morts.

Les alpinistes ont dû attendre, sans bouger, de pouvoir grimper. « Pour les gens qui sont à la queue leu leu, ça cause un stress dont tu n’as pas besoin », souligne M. Filippi, qui a bénéficié d’une « fenêtre » de beau temps avant la congestion, profitant ainsi d’un sommet sans embouteillage. Surnommée « zone de la mort », la cime de la montagne, à plus de 8000 m, est particulièrement dangereuse pour la santé, en raison du froid extrême et de l’oxygène rare. « C’est l’endroit où aucun être humain ne devrait être, ajoute M. Filippi. [L’objectif,] c’est de monter et de redescendre cet endroit le plus vite possible, mais il n’y a pas moyen d’aller plus vite que le groupe de cette grande filée-là… »

Pourquoi cet engouement ?

L’accessibilité explique en partie le nombre toujours grandissant d’alpinistes, croit M. Filippi. « Les gens ont un moyen financier plus grand qu’avant, le prix des expéditions n’a pas augmenté, il y a beaucoup plus d’agences népalaises qui offrent le produit meilleur marché », avance-t-il, soulignant que le Népal n’a pas de réglementation pour encadrer la pratique sur son sol, laissant le champ libre à des guides moins compétents. Pour François-Xavier Bleau, copropriétaire de l’agence Terra Ultima, qui a déjà tenté d’atteindre le sommet, il s’agit d’un phénomène culturel. « On est dans une ère de la bucket list, de l’accomplissement, dit-il. Et l’Everest, c’est le symbole ultime. » Depuis les années 90, le Népal a libéralisé l’ascension et encouragé son développement commercial.

Qu’est-ce qui peut être fait ?

Malgré les appels à restreindre le nombre de permis, les autorités népalaises n’ont pas l’intention de limiter l’accès à la montagne. Le porte-parole du ministère du Tourisme et de l’Aviation civile, Mohan Krishna Sapkota, a même encouragé plus de touristes et d’alpinistes à venir au pays, « pour le plaisir et la célébrité », a rapporté l’Associated Press. Il a cependant indiqué qu’une corde double serait installée dans la zone juste en bas du sommet pour mieux coordonner le flux de gens. M. Filippi conseille aux futurs grimpeurs de bien se préparer et de bien s’informer. « Les gens doivent savoir dans quoi ils s’embarquent, ce n’est pas se payer un tout-inclus », lance-t-il pour illustrer que la responsabilité ne repose pas seulement sur les guides. Il faut aussi faire ses devoirs et s’assurer de l’expérience des sherpas. La pression du prix payé peut « tuer la rationalité », expose de son côté François-Xavier Bleau. Son agence offre un trek au camp de base du mont Everest, où il constate aussi un fort achalandage. Il voit d’ailleurs le « surtourisme » comme un « enjeu réel ». « Les agences de voyages et les organisateurs d’expéditions ont le devoir de peut-être limiter leurs groupes, de trouver un consensus entre eux pour arriver à un nombre sécuritaire, dit-il, prônant une meilleure éthique de voyage. Sinon, après, ils vont vivre avec les aléas. »

— Avec l’Agence France-Presse et Associated Press