(Caracas) La coalition d’opposition au Venezuela a finalement pu enregistrer mardi un candidat à la présidentielle du 28 juillet, mais sa dirigeante Maria Corina Machado, inéligible, accuse le président Nicolas Maduro, qui brigue un troisième mandat, d’avoir « choisi » ses rivaux.

Ce candidat est Edmundo Gonzalez Urrutia, un ancien ambassadeur et politologue. Il remplace Corina Yoris, l’universitaire novice en politique que Mme Machado avait désignée mais qui n’a pas réussi à s’inscrire, sans que le Conseil national électoral (CNE) ne donne d’explication.

Alors que la limite des inscriptions expirait lundi à minuit, le CNE a finalement accordé un délai à l’opposition et accepté d’inscrire M. Gonzalez Urrutia.  

Des analystes et l’opposition estiment cependant que M. Gonzalez pourrait être remplacé par un autre candidat – Mme Machado, Mme Yoris ou un autre – à l’avenir si des négociations entre pouvoir et opposition étaient fructueuses.  

Mme Machado, 56 ans, avait remporté haut la main la primaire de l’opposition et semblait pouvoir rallier derrière elle une opposition souvent divisée. Elle a été déclarée inéligible mi-mars – accusée par le pouvoir de corruption et de soutenir une invasion étrangère – ce qu’elle a toujours nié.

« Ce que nous avons dénoncé pendant de nombreux mois a fini par se produire : le régime a choisi ses candidats », a-t-elle lancé mardi.  

Des nombreux observateurs et opposants estiment que le CNE, souvent accusé d’être aux ordres du pouvoir, a délibérément bloqué la candidature de Corina Yoris, 80 ans.

Le Brésil et la Colombie ont exprimé mardi leur « préoccupation », tandis que le ministre uruguayen des Affaires étrangères, Omar Paganini, a estimé que le Venezuela « se consolide en tant que dictature ». La Maison-Blanche s’est dite « très préoccupée » par le blocage de la candidature de Mme Yoris.

Le ministère vénézuélien des Affaires étrangères a réagi en accusant le Brésil et la Colombie d’ingérence.

Le porte-parole du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a lui appelé la communauté internationale à « continuer à s’engager avec les parties en faveur d’une feuille de route négociée », et déclaré : « nous regrettons tout développement susceptible d’entraver les garanties électorales et rappelons la nécessité de garantir le droit de voter et d’être élu ».

Mardi, avant l’inscription de Gonzalez Urrutia, Mme Machado avait insisté : « Ma candidate c’est Corina Yoris. Personne ne va nous faire sortir de la route électorale. Nous lutterons jusqu’au bout ».  

« Pire scénario »

Elle avait aussi pris ses distances avec la candidature de dernière minute de Manuel Rosales, 71 ans, vieux routier de la politique, déjà candidat face à Hugo Chavez en 2006.  

Ce poids lourd était toutefois loin de faire l’unanimité dans l’opposition, qui lui reproche ses contacts réguliers avec M. Maduro depuis qu’il est redevenu gouverneur en 2021.

PHOTO FEDERICO PARRA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Manuel Rosales

Du côté du pouvoir, tout est simple avec un candidat clair : Nicolas Maduro, 61 ans, qui a succédé à son mentor Hugo Chavez (1999-2013) à sa mort en 2013. Toute la machine de l’État et du chavisme est déjà en marche.  

Plus de 60 pays, dont les États-Unis, n’avaient pas reconnu sa réélection en 2018, boycottée par l’opposition. Cette non-reconnaissance a débouché sur des sanctions économiques visant notamment le secteur pétrolier.

Le pouvoir devrait profiter de la confusion et des divisions de l’opposition avant le scrutin à un seul tour.  

Nicolas Maduro est allé plus loin mardi soir en qualifiant de « terroriste » le parti de Mme Machado. « Ils me poursuivent pour tenter d’attenter à ma vie, comme cela a été démontré hier avec la capture d’individus du mouvement terroriste “Vente Venezuela” (Allez Venezuela NDLR), […] ou plutôt “Vente Terrorista” (Allez le terrorisme NDLR) », a déclaré M. Maduro à la télévision.

Deux hommes armés ont été arrêtés après s’être infiltrés dans le cortège dans le but de l’assassiner, avait-il annoncé plus tôt, affirmant que les hommes étaient liés au parti de Mme Machado. Le parquet a déclaré qu’ils seraient inculpés de terrorisme et de tentative d’assassinat, l’opposition qualifiant l’accusation d’« infondée ».

Pour le politologue Yoel Lugo, « le pire scénario pour l’opposition est de maintenir le ton de tension interne qui, avec la division et la démoralisation, est l’équation parfaite pour la démobilisation de l’opposition. C’est justement la stratégie qui permet à Nicolas Maduro de rester au pouvoir ».

La présidence argentine a indiqué mardi que des dirigeants de l’opposition vénézuélienne faisant l’objet d’« actes de harcèlement et de persécution » avaient trouvé refuge dans la résidence de l’ambassadeur d’Argentine à Caracas, sans révéler leurs identités.