En Amérique centrale, un corridor s’étendant sur quatre pays est particulièrement affecté depuis quelques années par les sécheresses et les pluies diluviennes. Le phénomène météorologique El Niño risque de perturber encore davantage ce « couloir sec » au cours des prochains mois, exacerbant les problèmes sociaux et économiques dans une des régions les plus violentes du monde.

« Nous nous attendons à ce qu’El Niño se développe dans les prochains mois », explique Talia Anderson, candidate au doctorat à l’École de géographie, développement et environnement de l’Université de l’Arizona. « Nous voyons déjà que les températures à la surface de la mer ont augmenté dans la région du Pacifique tropical central oriental. »

L’ampleur des sécheresses ou des inondations n’est pas encore connue, précise celle qui étudie le climat dans la région, puisqu’il manque encore des indicateurs atmosphériques.

Couloir sec

Les impacts pourraient être particulièrement difficiles dans le « corredor seco » – le « couloir sec » –, une bande de terre de 1600 km partagée entre le Guatemala, le Honduras, le Salvador et le Nicaragua. Quelque 11,5 millions de personnes y vivent, et l’agriculture y occupe une place prépondérante.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

En 2015-2016, une sécheresse causée par le même phénomène météorologique avait laissé 3,5 millions de personnes de cette même région dans l’insécurité alimentaire, selon les agences de l’ONU.

La production de légumineuses pourrait notamment en être affectée cette année, a averti la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, qui a lancé un fonds d’urgence au printemps en anticipation des effets d’El Niño sur le couloir sec, auquel le Canada a versé de l’argent. Différentes initiatives de l’organisme viennent en aide aux familles touchées par les changements climatiques dans la région.

Amplificateur de tensions

Les problèmes liés aux changements climatiques risquent d’exacerber des difficultés déjà présentes dans la région : de fortes inégalités, des droits de la personne bafoués, des groupes criminels puissants.

« Au Salvador, au Honduras, au Nicaragua, au Honduras, l’environnement n’est plus ce qu’il était, indique Diego Osorio, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand. Dans ce contexte, si la société n’a pas les instruments pour se virer de bord, pour être résiliente, pour s’organiser et faire face aux bombes climatiques qui s’en viennent, imaginez le cauchemar qu’on va voir dans quelques années. »

Les migrations risquent d’être « énormes » dans quelques années, avertit M. Osorio.

Si le triangle nord, formé du Guatemala, du Salvador et du Honduras, est déjà au cœur des débats concernant l’immigration clandestine aux États-Unis, de nombreuses personnes n’ont pas les moyens de partir et sont poussées à quitter les villages pour les villes de leur pays.

« Pour les grosses villes qui reçoivent ces populations, ça met beaucoup de pression sur leurs capacités, ça crée de gros problèmes sur les plans social, économique, politique », illustre Estefanía Martínez Esguerra, doctorante et auxiliaire d’enseignement au département de géographie de l’Université de Montréal.

Violences

Des chercheurs ont sonné l’alerte sur les risques d’augmentation de la violence liés à l’exode rural, notamment en raison des gangs de rue, très puissants dans certains centres urbains, et des difficultés économiques.

Le climat ne pousse pas les gens à partir, mais ça vient exacerber les inégalités, les conflits, la violence sexuelle, par exemple. Cela peut interagir avec la dynamique existante et pousser les gens à bout ; ils essaient de se déplacer.

Camila Bustos, professeure agrégée de droit à la Pace University

Les « caravanes » de migrants traversant la frontière du Mexique vers les États-Unis fuient leurs pays pour plusieurs raisons, mais les changements climatiques jouent un rôle dans les facteurs, résume Mme Bustos.

« L’Amérique centrale est un des points chauds mondiaux pour la sécheresse, ce qui signifie que les températures devraient continuer à augmenter et que les précipitations devraient diminuer en raison du changement climatique, dit Mme Anderson. Cela serait particulièrement difficile pour les millions de familles qui dépendent de la pluie pour leur agriculture. »

En savoir plus
  • De 100 à 400 km
    Largeur du couloir sec
    Source : Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture
    44 %
    Proportion de la superficie du Guatemala, du Honduras, du Salvador et du Nicaragua que couvre le couloir sec.
    Source : Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture