(Buenos Aires) Des milliers de femmes sont descendues dans les rues de Buenos Aires samedi pour dénoncer les violences machistes, lors de la 8e marche annuelle sous le slogan « Ni Una Menos » (« pas une de moins »), marquée par le récent assassinat d’une jeune femme.

« Nous sommes le cri de celles qui n’ont plus de voix », peut-on lire sur l’une des centaines de banderoles des manifestantes rassemblées devant le Parlement argentin, dans un pays où 252 féminicides ont été commis en 2022, selon les derniers chiffres officiels.

Cette année, la marche a également mis l’accent sur les inégalités économiques subies par les femmes, les considérant comme une forme de violence et un carcan empêchant de sortir de situations violentes.

« J’ai passé 47 ans avec un mari qui était violent et abusif envers moi, ce sont d’autres femmes qui m’ont aidée à partir et j’ai réussi à lui faire quitter la maison. J’ai 70 ans et je vis heureuse depuis un an », explique à l’AFP Raquel Miranda, une retraitée qui se considère comme une « survivante ».

Mme Miranda distribue aux plus jeunes des brochures contenant les coordonnées de « groupes de soutien féministes, car pour s’en sortir, il faut demander de l’aide », dit-elle.

Plus loin dans la rue, des photos sont accrochées à un stand de fortune, avec les noms et prénoms d’hommes qui ont été désignés par leurs ex-partenaires comme ayant une « dette alimentaire » pour ne pas avoir payé la pension alimentaire de leurs enfants.

« Ce sont aussi des formes de violence, d’assujettissement après la séparation », explique Lisa Repetto, 36 ans, mère de deux fillettes de 8 et 11 ans qu’elle dit élever seule.

Sept balles

La marche de cette année est marquée par la mort de Rocio Gonzalez, 25 ans, qui a été abattue de sept balles jeudi par un collègue de bureau du même âge, selon la police.

La jeune femme avait déposé deux plaintes pour harcèlement contre l’agresseur, la dernière en mai, et le tribunal avait pris une mesure de précaution qui s’est traduite par un changement des horaires de travail de l’intéressé pour éviter tout contact avec sa victime dans le cadre professionnel.

« Nous en avons assez de ce système judiciaire, vous portez plainte et personne ne s’occupe de vous, après sa mort ils ont dit “c’était grave” …. », ironise Mariana Cobas, une jeune femme de 22 ans indignée par l’affaire Rocio.

Dans 88 % des cas enregistrés en 2022, la victime connaissait son meurtrier et dans 59 % des cas, il s’agissait de son partenaire ou ex-partenaire, selon les statistiques de l’Observatoire du féminicide de la Cour suprême.  

« Les chiffres ne diminuent pas », a averti l’ONG La Casa del Encuentro, l’une des organisations qui ont appelé à une marche samedi pour rendre visibles les crimes tels que celui de Rocio et exiger des mesures urgentes de la part de l’État.

« Les mesures prises jusqu’à présent n’ont pas été suffisantes et bien que nous constations des changements dans leur traitement, la transformation socioculturelle nécessaire pour faire tomber le patriarcat se déroule très lentement, laissant des centaines de femmes et de compagnons travestis/trans tués chaque année pour des raisons liées au genre », indique le communiqué.

Le mouvement « Ni Una Menos » a organisé sa première marche en 2015 lorsque des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue après le meurtre de Chiara Paez, 14 ans, battue à mort par son petit ami de 17 ans après avoir refusé d’avorter de leur enfant.

Cette affaire a donné le coup d’envoi d’un mouvement féministe qui s’est développé sous l’effet de centaines de nouveaux crimes en Argentine.

Depuis la première marche du 3 juin 2015 jusqu’au 28 mai de cette année, 2282 féminicides ont été commis dans le pays, selon un rapport de La Casa del Encuentro.