(Guatemala) L’ex-procureure anticorruption du Guatemala Virginia Laparra a été condamnée vendredi à quatre ans de prison pour abus d’autorité à l’issue d’un procès dénoncé par les organisations de défense des droits de la personne.

« L’accusée Virginia Laparra est responsable du crime d’abus d’autorité continu commis contre l’administration publique » et « est condamnée à quatre ans » de prison, a déclaré le président du tribunal de la capitale, Oly Gonzalez, à la lecture des attendus.

« C’est une aberration juridique », a dit Mme Laparra, emprisonnée depuis 10 mois, qui pourra demander à être libérée de façon anticipée en payant une caution.  

Quittant le tribunal menottée tandis qu’une cinquantaine de ses partisans scandaient « Virginia est innocente » et « dehors les corrompus », elle a pu s’adresser à la presse.

« C’est un précédent terrible, car plus jamais un procureur n’osera déposer plainte », a-t-elle dit.  

« Virginia Laparra est une prisonnière d’opinion qui paie le prix fort pour son travail de procureure anticorruption », a réagi la directrice d’Amnistie internationale pour les Amériques, Ericka Guevara Rosas.  

Mme Laparra a été arrêtée et démise de ses fonctions dans le cadre d’une répression contre les procureurs anticorruption.

Lors de son ultime prise de parole de jeudi dans ce procès entamé il y a 18 jours, elle avait, en larmes, dit être victime de persécution.  

Elle a affirmé que les accusations portées contre elle étaient une « vengeance » de la part d’une organisation plaignante au procès, la Fondation contre le terrorisme, connue pour avoir défendu des politiciens guatémaltèques accusés de corruption et des officiers militaires accusés de crimes pendant la guerre civile (1960-1996).

La Fondation « n’est pas contre le terrorisme, c’est une fondation pour instiller la terreur », a dit celle qui était à la tête du Bureau du procureur spécial contre l’impunité (FECI) de Quetzaltenango, dans l’ouest du Guatemala.  

« Alliance criminelle »

Cinq juges du Parquet spécial contre l’impunité et un ancien représentant de la Commission de l’ONU contre l’impunité au Guatemala (CICIG) ont été arrêtés et accusés d’obstruction à la justice et d’abus d’autorité.

Les États-Unis ont inscrit la procureure générale du Guatemala, Consuelo Porras, sur la liste des « acteurs corrompus » pour avoir « à plusieurs reprises, entravé et sapé des enquêtes anticorruption au Guatemala pour protéger ses alliés politiques et obtenir des faveurs politiques indues », selon le département d’État américain.  

Mme Porras a été reconduite en mai pour un nouveau mandat de quatre ans par le président du Guatemala Alejandro Giammattei.  

La CICIG, créée en 2007, avait fait éclater en 2015 un scandale de fraude et de corruption dans les services de douane qui a abouti à la démission du président de l’époque Otto Pérez (2012-2015), accusé d’être l’instigateur et le bénéficiaire des détournements.

Les élites et milieux d’affaires, conscients que les enquêtes allaient se poursuivre, le nouveau président Jimmy Morales (2016-2020), lui-même visé par une enquête pour détournement pour financer sa campagne électorale, autrefois soutien de la CICIG, l’a accusé d’outrepasser ses fonctions et a mis fin à sa mission.

Dès lors s’est mis en place « une vengeance de l’alliance criminelle au Guatemala » pour avoir « révélé le mécanisme de la corruption », avait assuré à l’AFP l’ancienne procureure générale Thelma Aldana, réfugiée depuis 2019 aux États-Unis.

Juan Francisco Sandoval, l’ancien chef du Parquet spécial destitué en juillet 2021 par Consuelo Porras, soupçonnait de corruption le président. « Il ne veut pas que l’on enquête sur les affaires dans lesquelles il pourrait être impliqué », avait estimé auprès de l’AFP M. Sandoval, alors considéré comme un « champion de la lutte contre la corruption » par Washington.