(Caracas) Le président vénézuélien Nicolas Maduro lance mardi la campagne pour les législatives de décembre qui, il l’espère, lui permettront de reprendre le Parlement à l’opposition, tandis que Juan Guaidó appelle au boycottage et lance une « consultation » concurrente.

Washington les a par avance qualifiées de « ni libres, ni justes », l’Union européenne a appelé à leur report et l’Organisation des États américains n’y voit rien de démocratique, mais en dépit des critiques, Nicolas Maduro a décidé de maintenir les élections législatives du 6 décembre.

« Ici, ça n’est pas Donald Trump, ni (le président brésilien Jair) Bolsonaro, ni (le président colombien Ivan) Duque qui votent ! », s’est emporté le dirigeant socialiste dimanche.

L’opposition regroupée autour de Juan Guaidó appelle au boycottage. Elle juge d’ores et déjà que le scrutin est une « fraude », terme qu’elle avait utilisé pour qualifier la présidentielle de 2018 qui avait permis la réélection de Nicolas Maduro.

Dès lors, quel enjeu et quelle légitimité pour ces élections qui s’annoncent comme un boulevard pour le PSUV, le Parti socialiste unifié du Venezuela, présidé par Nicolas Maduro ?

« Maduro ne semble pas trop se préoccuper » d’une quelconque légitimité, estime Michael Shifter, du centre de réflexion Dialogue Interaméricain, basé à Washington. Il veut surtout « consolider son pouvoir absolu », ajoute-t-il.

Maduro contrôle l’exécutif, l’opposition l’accuse de noyauter la justice. Le Parlement monocaméral est la seule institution qui lui échappe depuis les dernières législatives de 2015.

L’Assemblée nationale est en effet présidée par Juan Guaidó et l’opposition y est majoritaire. C’est d’ailleurs en se prévalant de sa fonction de président du Parlement que l’opposant s’est proclamé président par intérim du Venezuela en janvier 2019. Il est reconnu comme tel par près de soixante pays.

Mais depuis 2016, la Cour suprême annule toutes les décisions votées par l’Assemblée. Et si l’opposition continue à siéger, son pouvoir effectif est quasi inexistant.

Pour Nicolas Maduro, l’enjeu est donc de se rendre à nouveau maître de l’hémicycle en jouant le jeu démocratique en apparence.

« Maduro est retranché, protégé par la force et par toutes les instances de pouvoir qu’il contrôle », note le politologue Luis Salamanca, en soulignant le poids de l’armée, clef de voûte du système politique vénézuélien qui continue à le soutenir.

« Que faire ? »

Avant le début de la campagne officielle mardi, le Conseil national électoral (CNE) a comptabilisé plus de 14 000 candidats, issus de dizaines de partis, dont certains d’opposition, mais rivaux de Juan Guaidó, pour 277 sièges.

Quelque 20,7 millions de Vénézuéliens sont appelés aux urnes, mais Luis Vicente Leon de l’institut de sondages Datanalisis prévoit une forte abstention. « La majorité ne va pas voter (56,8 %) ou ne sait pas encore (8 %) », a-t-il indiqué sur Twitter.

En regardant du côté de l’opposition, « le problème sans solution est de savoir que faire après s’être abstenu », avance-t-il. Un boycottage « ne s’avère jamais prometteur » pour enclencher des changements politiques.

Changements que Juan Guaidó n’a pour l’heure pas réussi à provoquer. Des manifestations à l’appel au soulèvement de l’armée, ses efforts pour évincer le « dictateur » Maduro ont échoué. Et les sanctions économiques prises par les États-Unis n’y ont rien fait.

Juan Guaidó, dont la popularité s’est fortement érodée, compte sur une « consultation » organisée en concurrence aux législatives pour se relancer. Le vote, sous forme de référendum, doit avoir lieu entre le 5 et le 12 décembre, sans le concours du CNE.

Les Vénézuéliens seront appelés à dire s’ils soutiennent « tous les mécanismes de pression, à l’intérieur comme à l’extérieur » du Venezuela pour organiser des « élections présidentielles et législatives libres » et s’ils rejettent ou non les législatives planifiées par le pouvoir.

Juan Guaidó part du postulat que si les Vénézuéliens rejettent le scrutin du 6 décembre lors de cette « consultation », alors le Parlement élu en 2015 devra continuer à siéger.

Mais « les attentes quant à une transition politique dirigée par lui sont très faibles », prévient Michael Shifter. « Au-delà de la chute de sa popularité, Guaidó va perdre la légitimité formelle qu’il tire de la présidence de l’Assemblée nationale » après les législatives.

Les pays qui le soutiennent vont devoir repenser leur stratégie. « Ils ne voudront pas abandonner Guaidó et cela comprend les États-Unis. Mais ils vont être obligés de recalibrer » leur position, explique-t-il.