Les prochaines négociations de paix entre les autorités de Colombie et les FARC s'annoncent sous de bons auspices avec une guérilla affaiblie et la présence de gouvernements de gauche en Amérique latine, même si l'absence de cessez-le-feu demeure un risque, selon des analystes.

Les pourparlers, prévus à partir d'octobre en Norvège puis à Cuba, interviennent dans un contexte différent d'il y a dix ans. À l'époque, le dernier dialogue avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), mené dans la région démilitarisée du Caguan, dans le sud du pays, avait échoué.

Harcelée par une armée renforcée par l'aide militaire des États-Unis, la principale rébellion de Colombie, issue voici 48 ans d'une insurrection paysanne, est passée de 20 000 combattants dans les années 1990, son âge d'or, à 9000 aujourd'hui.

Une hémorragie qui favorise les négociations «car moins il y a d'hommes, plus le commandement est uni et cela diminue le risque d'opposants au dialogue», explique à l'AFP Mauricio Jaramillo, politologue de l'université El Rosario à Bogota.

«Les conditions ont changé. Les FARC arrivent en position de faiblesse et l'armée de force», renchérit Ariel Avila, expert de la fondation Nuevo Arco Iris, spécialiste du conflit colombien.

Le nouveau contexte régional est aussi, selon lui, un motif d'optimisme pour cette quatrième tentative de paix en trente ans. «Les FARC n'ont pas manqué d'observer l'arrivée au pouvoir de gouvernements de gauche au Venezuela, en Argentine, au Brésil et en Uruguay», précise-t-il à l'AFP.

Même en Colombie, où la gauche est toujours minoritaire, d'anciens rebelles ont pu se faire une place sur la scène politique, à l'image de Gustavo Petro, ancien membre du M-19, une guérilla urbaine dissoute en 1990, devenu maire de Bogota.

«optimisme modéré»

L'ancien président colombien Belisario Betancur, premier chef d'État à négocier avec les FARC dans les années 1980, a estimé que «leurs motivations de l'époque n'existent plus et ont perdu de leur légitimité».

«Il y a des conditions nouvelles, le processus est nouveau, différent des précédents», a reconnu l'ex-vice-président Humberto De la Calle, négociateur en chef du gouvernement, exprimant un «optimisme modéré», dans un entretien publié dimanche par le quotidien El Tiempo.

Le fait que les pourparlers se tiennent sans parvenir au préalable à un arrêt des hostilités demeure une source de préoccupation.

«Négocier au milieu du conflit fut la cause de l'échec du Caguan», explique à l'AFP Alfredo Rangel, directeur de la fondation Sécurité et Démocratie.

«La guérilla va sûrement aujourd'hui essayer de renforcer sa position à la table de dialogue en augmentant les attaques», poursuit-il, en estimant que «cela fera baisser le soutien populaire au processus» de paix.

Un constat partagé par d'autres experts. «Il sera difficile de négocier sous le feu des armes», redoute M. Avila.

«Le processus peut être affecté si, par exemple, les FARC tuent vingt soldats dans une attaque. La population va sortir dans la rue pour exprimer son rejet et dire que les FARC ne veulent pas la paix», ajoute-t-il.

Prix Nobel de la paix, l'ex-président costaricien Oscar Arias juge aussi que des négociations n'ont «pas de sens» s'il n'y a «pas d'accord pour mettre fin à toute forme de violence».

Mais l'instauration d'un cessez-le-feu est plus qu'improbable, le président colombien Juan Manuel Santos n'envisageant une trêve qu'à l'issue d'un «accord final».

À mi-mandat avant les élections de 2014, M. Santos a toutefois souligné que les négociations seront brèves et se compteront «en mois et non en années». Une manière de limiter dans le temps le risque d'une explosion sur le terrain et d'éviter la politisation du processus de paix durant la campagne présidentielle.