La Reine du Sud présente de manière très glamour les péripéties d'une narcotrafiquante. Le gouvernement et les associations civiles ont décidé d'avertir le public mexicain: d'après eux, cette série à succès est une apologie du crime organisé. Notre collaboratrice s'est penchée sur la controverse qui entoure ce téléroman en vogue actuellement au Mexique.

Teresa Mendoza, belle narcotrafiquante mexicaine, est l'héroïne du livre La Reina del Sur (La Reine du Sud), d'Arturo Perez-Reverte, et du téléroman homonyme qui en est tiré. À mille lieues de la crue réalité des cartels mexicains, loin des charniers et des massacres quotidiens, ce personnage de fiction vit des aventures palpitantes, empreintes d'une violence très esthétique.

Jouant tant avec les armes qu'avec les hommes, la criminelle, incarnée par l'actrice mexicaine Kate del Castillo, ne se décoiffe jamais. Son personnage est vaguement inspiré d'une narcotrafiquante en chair et en os, Sandra Avila Beltran, surnommée la «Reine du Pacifique», qui croupit en prison depuis 2007.

La diffusion de La Reine du Sud, production de la chaîne américaine hispanophone Telemundo, a été très mal perçue par les autorités mexicaines. Le ministère de l'Intérieur a accusé la chaîne Televisa, qui diffuse la série tous les soirs aux heures de grande écoute depuis le 4 avril, de violer son engagement en matière de déontologie en diffusant un contenu faisant une «apologie du crime organisé». La chaîne avait en effet souscrit en mars dernier à l'accord par lequel des dizaines de médias mexicains s'engageaient à ne pas idéaliser les narcotrafiquants, souvent présentés comme des êtres charismatiques dans la presse.

«Je suis indignée par cette telenovela», a affirmé à La Presse Laura Elena Herrejón, présidente de Pro-Vecino, association civile de lutte contre l'insécurité.

À l'encontre du machisme

«Televisa affiche une double morale: la chaîne a signé le pacte et diffuse une série qui présente les criminels comme des exemples à suivre, comme des mannequins riches, beaux et bien habillés défilant sur un podium.»

Joint par La Presse, le porte-parole de Televisa, Manuel Compeán, s'est refusé à tout commentaire. L'actrice Kate del Castillo a, quant à elle, défendu la série. Elle soutient qu'elle sensibilise le public aux dangers et aux difficultés que comporte la carrière de narcotrafiquant.

Pour ne rien arranger, Andrés López, ex-narcotrafiquant colombien reconverti en écrivain, a affirmé dans les médias que le téléroman manquait de réalisme parce qu'il était impossible qu'une femme triomphe dans l'univers des narcos, dominé par les hommes.

C'est justement un trait de la série qui a séduit le public mexicain: La Reine du Sud va à l'encontre des relents machistes qui imprègnent la société parce qu'elle met en scène une femme qui triomphe dans un monde d'hommes.

«Tant les téléspectateurs que les téléspectatrices l'adorent parce qu'il s'agit d'une femme forte, qui défie les hommes» constate Laura Elena Herrejón. Et de déplorer: «Sommes-nous tombés si bas au Mexique que nous n'avons pas d'autres modèles de femmes fortes, qui ne soient pas des criminelles, à présenter à la société?»