(Niamey) La pression s’accroît sur les putschistes au Niger qui détiennent le président désigné Mohamed Bazoum : après l’UE, la France a décidé samedi de suspendre ses aides et l’Union africaine (UA) leur a fixé un ultimatum de 15 jours pour rétablir l’ordre constitutionnel.

En outre, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), à laquelle appartient le Niger, se réunit dimanche en « sommet spécial » à Abuja pour évaluer la situation, avec de probables sanctions à la clé.

La France qui a demandé « le retour sans délai à l’ordre constitutionnel nigérien, autour du président Bazoum, élu par les Nigériens », a annoncé la suspension de « toutes ses actions d’aide au développement et d’appui budgétaire ».

De son côté, l’Union africaine (UA) a fixé un ultimatum de quinze jours aux militaires pour rétablir « l’autorité constitutionnelle », a annoncé son Conseil de paix et de sécurité après une réunion vendredi.

L’Union européenne (UE) avait déclaré auparavant qu’elle « ne reconnaît pas » non plus les « autorités » issues du putsch et annoncé la suspension de « toutes ses actions de coopération dans le domaine sécuritaire ».

À quelques jours de la fête de l’indépendance, le 3 août, un calme relatif régnait samedi dans les rues de Niamey après les manifestations proputschistes, désormais interdites.  

Les habitants ont repris leurs activités, mais la présence des Forces de défense et de sécurité (FDS) a été renforcée dans les rues, a constaté un journaliste de l’AFP.

Le mouvement M62, qui avait déjà protesté contre l’opération Barkhane menée au Sahel et au Sahara par l’armée française contre les groupes armés djihadistes, a lancé un appel à manifester dimanche malgré l’interdiction de rassemblement.  

Le M62 entend « mettre en garde la Cédéao et la France contre toute intervention militaire au Niger » et « exiger le départ immédiat des troupes françaises et celui de l’ambassadeur de France ».

Environ 1500 soldats français sont présents au Niger.

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a assuré M. Bazoum de « l’indéfectible soutien » de Washington. Et l’ambassade des États-Unis à Niamey a fait savoir que « les putschistes mettent en péril notre profond partenariat en matière de développement et de sécurité ». Environ 1100 soldats américains sont présents au Niger.

Bazoum toujours séquestré

Le général Abdourahamane Tiani, chef de la garde présidentielle du Niger à l’origine de la chute du président désigné, s’est présenté vendredi comme le nouvel homme fort du pays, avant que l’entourage politique de M. Bazoum-qui a connu sa quatrième journée de séquestration, mais « va très bien », selon un de ses proches —, ne dénonce « un coup d’État pour convenance personnelle ».

Le général Tiani, est apparu sur les écrans de la télé nationale vendredi pour lire un communiqué en tant que « président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) », la junte putschiste.

Proclamé ensuite chef de l’État par ses pairs, il a justifié le coup d’État par « la dégradation de la situation sécuritaire » dans un Niger miné par la violence de groupes djihadistes, mais reconnaît « le soutien appréciable et apprécié de nos partenaires extérieurs », la France et les États-Unis faisant partie des principaux.  

Il s’est aussi interrogé sur « une approche sécuritaire » qui « exclut toute véritable collaboration avec le Burkina Faso et le Mali », deux pays voisins du Niger, également dirigés par des militaires putschistes et frappés par la violence djihadiste.

Un proche de M. Bazoum a confié à l’AFP que le « remplacement » d’Abdourahamane Tiani et « une refonte en profondeur de la garde présidentielle devaient être décidés dès ce jeudi (27 juillet) en conseil des ministres ».

Le général Tiani, haut gradé discret, commande la garde présidentielle depuis sa nomination en 2011 par Issoufou Mahamadou, prédécesseur de Mohamed Bazoum.

Après le Mali et le Burkina Faso — qui se sont notamment tournés vers la Russie après avoir exigé le départ des soldats français de leur sol — le Niger, jusqu’alors allié des pays occidentaux, devient le troisième pays du Sahel, miné par les attaques de groupes liés à l’État islamique et à Al-Qaïda, à connaître un coup d’État depuis 2020.

Couvre-feu

La junte, qui rassemble tous les corps de l’armée, de la gendarmerie et de la police, a suspendu les institutions, fermé les frontières terrestres et aériennes, et instauré un couvre-feu en vigueur de minuit à 5 h du matin.

Le putsch a été vivement condamné par les partenaires occidentaux du Niger, plusieurs pays africains et l’ONU, qui ont demandé la libération de M. Bazoum.

Le ministre de l’Énergie du président déchu, Ibrahim Yacouba, invite la Cédéao et l’UA à lutter pour « la libération sans délai » de Bazoum et la reprise de ses fonctions.

La Maison de la presse — l’association de médias nigériens — « s’inquiète surtout des velléités d’atteintes à la liberté de la presse et à la sécurité des journalistes ».

Riche en uranium, le Niger a une histoire jalonnée de coups d’État depuis l’indépendance de cette ex-colonie française en 1960.