(Niamey) Le général Abdourahamane Tchiani, chef de la garde présidentielle du Niger à l’origine de la chute du président désigné Mohamed Bazoum, s’est présenté vendredi comme le nouvel homme fort du pays, avant que l’entourage politique du chef de l’État déchu ne dénonce « un coup d’État pour convenance personnelle ».

Le général Tchiani est apparu sur les écrans de la télé nationale pour lire un communiqué en tant que « président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) », la junte qui a renversé Mohamed Bazoum.

Proclamé ensuite chef de l’État par ses pairs, il a justifié le coup d’État de mercredi par « la dégradation de la situation sécuritaire » dans un Niger miné par la violence de groupes djihadistes.

Sous le président Bazoum, il y avait « le discours politique » qui voulait faire croire que « tout va bien », alors qu’il y a « la dure réalité avec son lot de morts, de déplacés, d’humiliation et de frustration », a-t-il dit.

Selon lui, « l’approche sécuritaire actuelle n’a pas permis de sécuriser le pays en dépit de lourds sacrifices consentis par les Nigériens et le soutien appréciable et apprécié de nos partenaires extérieurs », la France et les États-Unis faisant partie des principaux en y déployant respectivement environ 1500 et 1100 soldats.

Le général a demandé « aux partenaires et amis du Niger, en cette étape cruciale de la vie de notre pays, de faire confiance à nos Forces de défense et de sécurité, garantes de l’unité nationale ».

Il s’est aussi interrogé sur « une approche sécuritaire » qui « exclut toute véritable collaboration avec le Burkina Faso et le Mali », deux pays voisins du Niger, également dirigés par des militaires putschistes et frappés par la violence djihadiste.

Reprenant chaque point de son discours, deux directeurs adjoints du cabinet de Mohamed Bazoum, Daouda Takoubakoye et Oumar Moussa, ont dénoncé un « coup d’État pour convenance personnelle justifié par des arguments puisés exclusivement dans les réseaux sociaux », en réponse à la première déclaration du chef de la junte.

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Le président désigné Mohamed Bazoum

Un autre proche de Bazoum a confié à l’AFP que le « remplacement » d’Abdourahamane Tchiani et « une refonte en profondeur de la garde présidentielle devaient être décidés dès ce jeudi (27 juillet) en conseil des ministres ».

Le général Tchiani, haut gradé discret, commande la garde présidentielle depuis sa nomination en 2011 par Issoufou Mahamadou, prédécesseur de Mohamed Bazoum.

« Logique de confrontation »

Peu après son intervention télévisée, un communiqué de la junte mettait en garde contre « toute intervention militaire étrangère », alors que « certains anciens dignitaires terrés dans des chancelleries en collaboration avec ces dernières, sont dans une logique de confrontation ».

M. Bazoum a passé vendredi avec sa famille sa 3e journée de séquestration dans sa résidence présidentielle, mais a pu s’entretenir au téléphone avec d’autres chefs d’État, parmi lesquels le président français Emmanuel Macron qui a condamné « avec la plus grande fermeté » le putsch l’ayant renversé et exigé sa libération.

« Ce coup d’État est parfaitement illégitime et profondément dangereux pour les Nigériens, pour le Niger, et pour toute la région », a-t-il déclaré depuis la Papouasie Nouvelle-Guinée. Il présidera samedi un Conseil de défense et de sécurité nationale consacré au Niger.

Le ministère des Affaires étrangères a ensuite indiqué que la France « ne reconnaît pas les autorités » issues du putsch.

Après le Mali et le Burkina Faso, le Niger, jusqu’alors allié des pays occidentaux, devient le troisième pays du Sahel, miné par les attaques de groupes liés à l’État islamique et à Al-Qaïda, à connaître un coup d’État depuis 2020.

Le Mali et le Burkina Faso se sont notamment tournés vers la Russie après avoir exigé le départ des soldats français de leur sol.

Condamnations internationales

Après une manifestation jeudi de partisans de la junte dont certains brandissaient des drapeaux russes et émaillée d’incidents, un nouveau rassemblement des partis d’opposition au président Bazoum, a été interdit.

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Manifestation à Niamey, le 27 juillet

La junte, qui rassemble tous les corps de l’armée, de la gendarmerie et de la police, a suspendu les institutions, fermé les frontières terrestres et aériennes, et instauré un couvre-feu.

Le putsch a été vivement condamné par les partenaires occidentaux du Niger, plusieurs pays africains et l’ONU, qui ont demandé la libération de Bazoum.

Un « sommet spécial » de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) à laquelle appartient le Niger, aura lieu dimanche à Abuja pour évaluer la situation après le putsch, avec de probables sanctions à la clé.

À Nairobi, le président kenyan William Ruto a estimé qu’avec ce coup d’État, « l’Afrique a subi un sérieux revers dans ses avancées démocratiques ».

L’Union européenne, par la voix du chef de sa diplomatie Josep Borrell, a menacé vendredi de suspendre « tout appui budgétaire ».

L’ONG Human Rights Watch a elle estimé que les droits de la personne sont « menacés » après le putsch, la junte ayant cependant affirmé vendredi « sa volonté » de respecter les « droits de l’homme ».

Partenaire privilégié de la France dans le Sahel et riche en uranium, le Niger a une histoire jalonnée de coups d’État depuis l’indépendance de cette ex-colonie française en 1960.

Côté américain, « renverser le président démocratiquement élu Mohamed Bazoum menacerait la coopération substantielle des États-Unis avec le gouvernement nigérien », a averti de son côté John Kirby, un porte-parole de la Maison-Blanche. « Un coup d’État militaire pourrait conduire les États-Unis à mettre fin à la coopération, militaire ou non », avec le pays africain, a-t-il ajouté.