Le président de la Russie, Vladimir Poutine, qui a entamé mardi son cinquième mandat à la tête du pays, a promis de maintenir le cap en Ukraine jusqu’à la victoire, alors que la situation se complique sur le terrain.

Lors d’une cérémonie boycottée par la plupart des pays occidentaux, le politicien de 71 ans a réitéré que la guerre entreprise en 2022 était nécessaire pour défendre « la souveraineté russe ».

« Nous traversons avec dignité cette période et nous deviendrons encore plus forts », a indiqué le dirigeant russe devant un parterre de 2500 dignitaires.

Sa prestation de serment survenait une journée après que le Kremlin a mis en garde ses adversaires occidentaux contre l’intensification de leur soutien à Kyiv en brandissant une nouvelle fois la menace nucléaire.

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Quelque 2500 dignitaires étaient rassemblés pour marquer la première journée du cinquième mandat de Vladimir Poutine.

Dominique Arel, spécialiste de l’Ukraine rattaché à l’Université d’Ottawa, note que Moscou voulait réagir notamment au fait que le Royaume-Uni a défendu début mai la légitimité de frappes ukrainiennes sur le territoire russe avec des missiles de longue portée fournis par Londres.

Cette autorisation est susceptible d’intensifier les attaques ukrainiennes, qui visent particulièrement les installations pétrolières russes, alors que les États-Unis refusent que leurs propres missiles soient utilisés à cette fin, note M. Arel.

Jusqu’à maintenant, les Ukrainiens ont utilisé des drones, mais ça risque de faire plus mal avec les missiles britanniques.

Dominique Arel, de l’Université d’Ottawa

Aide clé des États-Unis

Eugene Rumer, spécialiste de la Russie au Carnegie Endowment for International Peace, relève que la perturbation des activités pétrolières russes est un « irritant » pour Moscou, qui tire la majeure partie de ses revenus de ce secteur. Elle ne semble cependant pas suffisante pour affecter véritablement l’économie et la machine de guerre russes, dit-il.

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Vladimir Poutine passe en revue les gardes d’honneur du régiment présidentiel.

Le déblocage récent par le Congrès américain d’une aide militaire de plus de 60 milliards de dollars à Kyiv est une source de préoccupation plus importante pour la Russie, qui a profité de l’interruption de l’approvisionnement en munitions pour faire des avancées sur le terrain dans l’est de l’Ukraine, note M. Rumer.

« L’aide avancée est un pas important pour soutenir les forces ukrainiennes, mais ce ne sera pas du tout suffisant pour renverser complètement la vapeur et lancer une contre-offensive en 2025, comme le gouvernement dit vouloir le faire », prévient l’analyste, qui s’inquiète de la capacité de Kyiv à recruter et former de nouveaux soldats en nombre suffisant.

Maria Popova, spécialiste de la Russie rattachée à l’Université McGill, note que Moscou « n’a pas réalisé de percée majeure » sur le terrain dans les derniers mois malgré les problèmes d’approvisionnement en armes de l’Ukraine.

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Vladimir Poutine, président de la Russie

L’annonce de l’aide américaine représente « un réveil difficile » pour le président russe, « qui croyait la victoire à la portée de la main », dit-elle.

« Rien ne suggère que le conflit est susceptible de se résoudre bientôt. La Russie ne veut pas se contenter d’une partie de l’Ukraine, et l’Ukraine n’a aucune intention d’abandonner la lutte », résume Mme Popova.

Un œil sur la présidentielle américaine

Dominique Arel prévient pour sa part qu’une éventuelle réélection à l’automne de l’ex-président américain Donald Trump, qui encourageait le blocage au Congrès, pourrait être une « catastrophe » pour Kyiv en raison de son opposition à la poursuite du financement des États-Unis.

« Mais l’enveloppe qui vient d’être votée règle la question du financement américain pour un an », dit-il.

L’évolution de la situation en Ukraine représente la priorité absolue du prochain mandat de Vladimir Poutine, note M. Rumer, qui ne voit pas de signe de mouvement d’opposition en Russie susceptible de compromettre ses projets.

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Des obusiers russes tirent une salve d’honneur à l’occasion de la cérémonie d’investiture de Vladimir Poutine.

Les critiques du régime, dit-il, ont été « emprisonnés, exilés ou tués », et l’appareil répressif de l’État a été renforcé, offrant peu de perspectives de contestation.

Mme Popova note que la mort en février en détention du dissident Alexeï Navalny, décrite comme un assassinat par ses proches, n’a pas débouché sur d’importantes manifestations.

La guerre en Ukraine, note l’analyste, semble en fait avoir renforcé la popularité de Vladimir Poutine au sein de la population russe plutôt que de l’affaiblir, même si nombre d’observateurs occidentaux préfèrent entretenir l’idée contraire.

Il semble qu’il y ait une minorité notable qui est profondément déprimée par la guerre, mais que la majorité des Russes sont apathiques et satisfaits par ce qu’ils voient comme une forme d’affirmation de nationalisme russe.

Maria Popova, de l’Université McGill

Le président russe, s’il demeure au pouvoir au-delà de 2030, pourrait dépasser en longévité politique Joseph Staline, qui a dirigé le pays pendant 31 ans.

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Le patriarche Kirill (à gauche), chef de l’Église orthodoxe russe, a béni Vladimir Poutine.

Le patriarche Kirill, chef de l’Église orthodoxe russe, a béni Vladimir Poutine après la cérémonie de prestation de serment et il a défendu l’intervention en Ukraine.

Le chef de l’État doit parfois prendre des décisions « redoutables » puisque les conséquences, dans le cas contraire, peuvent s’avérer « extrêmement dangereuses pour le pays et la population », a souligné le leader religieux.

Avec l’Agence France-Presse