Amnistie internationale s’alarme, dans son plus récent rapport annuel, de la montée de l’autoritarisme à travers la planète et des conséquences « terrifiantes » pour les civils du « quasi-effondrement » du droit international.

L’autoritarisme à l’honneur

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Des fidèles passent devant une peinture murale représentant notamment le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei (à gauche) lors d’un rassemblement anti-israélien le 19 avril dernier.

L’organisation de défense des droits de la personne note que le nombre de personnes vivant dans des pays démocratiques ne cesse de reculer et est revenu en 2023 au niveau où il était au milieu des années 1980, avant la fin de la guerre froide. L’espoir d’ouverture suscité quelques années plus tard par l’effondrement du mur de Berlin « n’est quasiment plus qu’un souvenir », prévient la secrétaire générale d’Amnistie internationale, Agnès Callamard, qui s’inquiète des reculs de la liberté d’expression et d’association et des attaques contre l’égalité des genres observés « du nord au sud et d’est en ouest ».

Une protection « optionnelle »

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Des civils passent devant une auberge détruite par une frappe russe dans la région de Donetsk, en Ukraine, le 14 avril.

Le retour en arrière paraît encore plus considérable, note Mme Callamard, en considérant l’inefficacité en 2023 des institutions mises en place dans la foulée de la Seconde Guerre mondiale pour assurer le respect du droit international. La Russie, qui dispose d’un veto au Conseil de sécurité des Nations unies, a multiplié les crimes de guerre en Ukraine en se comportant comme si la protection des civils était « optionnelle ». La Chine, aussi détentrice d’un veto, a soutenu Moscou sans sourciller ainsi que le régime birman, responsable de la mort de plus de 1000 civils, tout en taisant ses propres exactions contre la population musulmane du Xinjiang.

« Deux poids, deux mesures »

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L’ambassadeur adjoint des États-Unis à l’ONU, Robert Wood, votant contre une résolution autorisant l’adhésion de la Palestine à l’ONU, au siège de l’organisation à New York, le 18 avril

Selon Amnistie internationale, les États-Unis et plusieurs pays européens qui se posent en défenseurs du droit international ont miné sa crédibilité en refusant de critiquer l’ampleur de l’offensive menée par Israël dans la bande de Gaza en réponse aux « crimes monstrueux » du Hamas du 7 octobre. Washington, qui a continué de fournir des armes à Tel-Aviv tout en bloquant au niveau des Nations unies plusieurs appels au cessez-le-feu, a suivi une politique de « deux poids, deux mesures » répréhensible, juge Agnès Callamard. Elle plaide pour une révision du pouvoir de veto des membres du Conseil de sécurité.

Femmes et minorités sous pression

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Femmes afghanes vêtues d’une burqa marchant à Kandahar, en mars dernier

La fragilisation des mécanismes de protection juridique va de pair avec un recul des droits des femmes et des minorités sexuelles, prévient Amnistie internationale. L’organisation cite notamment la situation en Afghanistan, où le retour au pouvoir des talibans s’est accompagné d’une série de mesures régressives visant notamment à empêcher l’éducation des filles au-delà du niveau primaire. En Iran, les autorités ont intensifié leurs efforts pour imposer le port du voile et étouffer un important mouvement de contestation. Les membres de la communauté LGBTQ ont enregistré des gains dans quelques pays, mais les attaques à leur encontre se sont intensifiées dans plusieurs autres. Plus d’une soixantaine de pays ont aujourd’hui des lois criminalisant l’homosexualité.

Économies en crise

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Un homme vend du charbon à Port-au-Prince, en Haïti, le 10 avril dernier. Le pays des Caraïbes est plongé dans une grave crise politique et sécuritaire.

Les conflits armés, le réchauffement climatique et les suites de la pandémie de COVID-19 ont alimenté des crises économiques qui sont lourdes de conséquences. Les Nations unies ont prévenu en avril 2023 que 10 % uniquement des 140 cibles de développement durable établies pour 2030 semblaient en bonne voie d’être atteintes. La situation est compliquée par l’explosion du niveau d’endettement de nombreux pays. La Banque mondiale a précisé à la fin de l’année que 60 % des États les plus pauvres sont étouffés par le paiement de leur dette et manquent de fonds pour répondre aux besoins de leur population.

Les risques technologiques

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Caméras de surveillance sur la place Tian’anmen à Pékin, en Chine

À ces multiples difficultés s’ajoute la menace posée par de nouvelles technologies qui sont susceptibles de mener à des abus, faute d’encadrement approprié. Amnistie internationale s’alarme notamment de l’utilisation de plus en plus fréquente de la reconnaissance faciale pour le contrôle des foules et des risques de désinformation liés à l’émergence de puissants outils d’intelligence artificielle générative. L’utilisation, bien documentée, par plusieurs États de logiciels espions est un autre sujet de préoccupation, relève Agnès Callamard, qui réclame la fin du « Far West numérique ».