(Genève) La Russie a opté pour la politique de la chaise vide à une réunion jeudi à l’ONU sur la situation des droits humains sur son territoire, Moscou invoquant des « difficultés logistiques et techniques persistantes ».

« Je regrette que la Fédération de Russie n’ait pas envoyé de délégation pour répondre » aux questions du Comité des droits de l’homme des Nations unies, a déclaré l’une des 18 membres de cet organe, la Canadienne Marcia V. J. Kran.

La réunion avait été reportée à deux reprises. Elle aurait dû initialement se dérouler les 3 et 4 mars – quelques jours après le début de l’invasion russe en Ukraine le 24 février – mais avait été reportée en juillet, puis au 20 et 21 octobre.

Moscou a une nouvelle fois demandé le report de la réunion, sans succès.

« Nous avons informé à plusieurs reprises le Comité qu’en raison des difficultés logistiques et techniques persistantes, la délégation russe ne peut être présente lors de l’examen du rapport. À cet égard, nous avons demandé au Comité de reporter son examen à une date ultérieure », a expliqué à l’AFP un porte-parole de la représentation russe auprès de l’ONU, Alexandre Ptcheliakov.

« Cependant, le Comité a refusé notre demande et a décidé d’examiner le rapport russe en l’absence de la délégation nationale », a-t-il indiqué.

Ce Comité de l’ONU supervise l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques par ses États parties et procède régulièrement à des examens par pays. Les experts indépendants du comité devaient ainsi rencontrer jeudi et vendredi la délégation russe, à l’occasion d’une réunion publique.

« Poisons sophistiqués »

« Permettez-moi de dire tout d’abord que je regrette profondément la non-comparution de l’État partie. Le dialogue constructif pendant la procédure […] est très important » pour surveiller la bonne application du Pacte, a souligné l’expert albanais Gentian Zyberi.

L’absence de la délégation russe n’a pas empêché les experts d’exposer leurs graves préoccupations à l’égard de la situation des droits humains en Russie, notamment sur le harcèlement et la violence visant des avocats, des journalistes, des défenseurs des droits de l’Homme et des opposants politiques, la torture ou encore le profilage racial.

« Nous observons une tendance inquiétante à mener des actions en justice » contre les responsables politiques « qui critiquent le gouvernement », a relevé Mme Kran. « Nous sommes également très préoccupés par l’utilisation de poisons sophistiqués mis au point par l’État pour réduire au silence, punir et tuer au moins une douzaine d’éminents dissidents, de dirigeants et de militants de l’opposition au cours des dix dernières années ».

« D’après des informations documentées, des cas de tortures existent », a souligné pour sa part l’expert tunisien, Yadh Ben Achour.

Il a également dénoncé le « nombre important des discours de haine », parfois accompagnés de violences, visant les migrants, notamment les musulmans, mais également « les Ukrainiens, en particulier depuis l’annexion de la Crimée (2014, NDLR), les personnes LGBT et les Roms ».

Lors d’une rencontre avec la presse plus tôt dans la journée, l’ambassadeur de Russie auprès de l’ONU à Genève, Guennadi Gatilov, avait exposé la vision de son pays concernant sa participation aux activités des organisations onusiennes.

« Les États-Unis et leurs alliés tentent d’entraver notre participation […] mais cela n’arrivera pas car nous continuerons […] à mener nos activités », avait-il dit, avant d’ajouter : « nous poursuivons tout ce que nous faisons avec des pays partageant les mêmes idées ».

Il a accusé le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme d’être « de plus en plus politisé ».