(Pékin) Le renforcement de la présence militaire russe le long de la frontière avec l’Ukraine met à rude épreuve une éventuelle alliance entre Moscou et Pékin face aux États-Unis et à leurs alliés dans une multitude de dossiers.

La rencontre entre les présidents Vladimir Poutine et Xi Jinping, le mois dernier à Pékin, en a porté certains à conclure qu’une nouvelle alliance pourrait voir le jour entre les deux grandes puissances.

La Russie et la Chine appuient chacune la position de l’autre en ce qui concerne une opposition à une éventuelle expansion de l’OTAN dans les anciennes républiques soviétiques et en ce qui concerne les revendications de la Chine face à l’île autonome de Taïwan.

PHOTO RAMIL SITDIKOV, ASSOCIATED PRESS

Le ministre chinois de la Défense nationale Wei Fenghe, à gauche, le ministre russe de la Défense Sergei Shoigu, lors d’une réunion conjointe des ministres de la Défense de l’Organisation de coopération de Shanghai et de l’Organisation du Traité de sécurité collective à Moscou, en Russie, le vendredi 4 septembre 2020.

Mais la relation n’en est pas une d’égal à égal. Si la Chine témoigne d’une confiance économique et politique sans cesse plus grande, la Russie est de plus en plus isolée et a recours à des tactiques d’intimidation dignes de la guerre froide.

Voici quelques-uns des éléments qui propulsent, et freinent, les relations sino-russes.

QUELLE EST LA POSITION DE LA CHINE DANS LA CRISE UKRAINIENNE ?

La Chine n’a pas critiqué la Russie pour ses agissements envers l’Ukraine, et elle a lancé des volées verbales contre les États-Unis et ses alliés. S’adressant à la Conférence sur la sécurité de Munich en fin de semaine, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a attaqué les États-Unis en reprochant à une « certaine puissance […] d’aviver les antagonismes ».

PHOTO AGENCE SPOUTNIK, VIA REUTERS

La rencontre entre les présidents Vladimir Poutine et Xi Jinping, le mois dernier à Pékin, en a porté certains à conclure qu’une nouvelle alliance pourrait voir le jour entre les deux grandes puissances.

Toutefois, en réponse à une question de Wolfgang Ischinger, le président de la conférence, M. Wang a dit que « la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de tout pays devraient être respectées et garanties, puisque c’est une norme essentielle des relations internationales ».

« L’Ukraine ne fait pas exception », a dit M. Wang.

Il a ajouté que les grandes puissances devraient agir pour défendre la paix mondiale et qu’aucun pays ne devrait « répéter les anciennes erreurs de forger des alliances rivales ».

Cela s’arrime à l’opposition de longue date de la Chine aux alliances militaires et à sa politique — tout aussi souvent répétée que brimée — de ne pas interférer avec les affaires internes des autres pays.

Ces commentaires correspondent aussi au désir de la Chine de voir disparaître les alliances qui, selon elle, menacent son propre développement. Celles-ci incluent l’OTAN et de nouvelles alliances qui regroupent les États-Unis, le Japon, l’Inde, l’Australie et d’autres pays avec qui la Chine a des différends diplomatiques considérables.

QU’EST-CE QUE LE SOMMET XI-POUTINE A RÉUSSI À ACCOMPLIR ?

MM. Xi et Poutine se sont rencontrés avant la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’hiver de Pékin. Ils ont ensuite publié un long communiqué qui semblait annoncer la naissance d’une relation renouvelée et plus étroite.

Les deux camps ont dit « s’appuyer fortement mutuellement » pour affronter ce que M. Xi a appelé « des menaces à la sécurité régionale » et à la « stabilité stratégique internationale », sans toutefois nommer explicitement les États-Unis.

Il s’agissait du 38e entretien en personne ou au téléphone entre les deux leaders, un chiffre que Pékin a brandi comme une preuve des liens étroits qui unissent deux pays qui, pendant la guerre froide, se disputaient le leadership du bloc socialiste.

L’implosion de l’Union soviétique continue à obséder les leaders communistes chinois, mais aussi M. Poutine, un ancien officier du KGB qui partage les tendances autoritaires de M. Xi et a aligné ses politiques étrangères sur celles de Pékin, au moment où il tente d’ouvrir le marché chinois aux ressources énergétiques et au matériel militaire de la Russie.

Toutefois, lors de son interprétation de la rencontre entre les deux hommes, la Chine n’a pas pleinement endossé la stratégie russe d’attaquer les intérêts occidentaux qui, selon elle, menacent sa sécurité.

Y A-T-IL UN LIEN ENTRE TAÏWAN ET L’UKRAINE ?

On soupçonne le leadership du Parti communiste chinois d’épier étroitement la réaction des États-Unis aux agissements de la Russie, pour discerner comment Washington pourrait se comporter si Pékin devait bouger contre Taïwan.

La Chine a organisé des manœuvres militaires intimidantes dans l’espoir de miner à Taïwan même le soutien envers l’indépendance factuelle de l’île.

Washington a fourni à Taiwan des avions de combat, des navires de guerre et d’autres armes, et les États-Unis sont juridiquement contraints de considérer les menaces envers l’île comme des évènements « très préoccupants ». Cela n’oblige toutefois pas Washington à intervenir militairement pour défendre Taïwan. Cette possibilité n’est en revanche pas exclue, et des alliés régionaux comme le Japon et l’Australie pourraient s’en mêler.

ET QU’EN EST-IL DES RELATIONS ENTRE LA CHINE ET LES ÉTATS-UNIS ?

La Chine ne se range pas derrière les gambits russes de politique étrangère, mais ses relations glaciales avec les États-Unis ne donnent aucun signe de réchauffement, a dit Shi Yinhong, un politologue de l’Université Renmin, à Pékin.

« Je crois que le gouvernement chinois continuera d’abord et avant tout à s’occuper de la Chine, plutôt que de s’occuper de la Russie », a-t-il dit. Pendant ce temps, les relations avec Washington demeureront tendues, surtout en ce qui concerne Taïwan.

Cette semaine marque le 50e anniversaire de la visite de Richard Nixon en Chine, ce qui avait mené à l’établissement de relations diplomatiques formelles en 1979 et à une nouvelle ère de relations commerciales et économiques.