(Stockholm) Les États-Unis ont rejoint pour la première fois la liste des « démocraties en recul » du fait principalement d’une dégradation lors de la deuxième moitié de la présidence Trump, selon un rapport de référence sur la démocratie dans le monde publié lundi.

Au niveau mondial, plus d’un quart de la population mondiale vit désormais dans une démocratie en recul et près de 70 % en ajoutant les régimes autoritaires ou « hybrides », avec une tendance à la dégradation démocratique qui dure sans discontinuer depuis 2016, selon le rapport annuel de l’organisation intergouvernementale International IDEA basée à Stockholm.

Mise à jour chaque année, sa liste des démocraties en recul incluait déjà l’Inde, le Brésil, les Philippines ainsi que deux pays de l’UE-Pologne et Hongrie. Une troisième nation européenne, la Slovénie, a également été ajoutée cette année.

Même si les États-Unis restent « une démocratie de haut niveau », le recul américain est lié à la baisse des indicateurs du pays en matière de « libertés civiques et de contrôles du gouvernement », a expliqué Alexander Hudson, un des coauteurs de l’étude.

International IDEA cite notamment le « tournant historique » des contestations électorales de la présidentielle de novembre 2020 par Donald Trump et « le déclin des enquêtes du Congrès sur l’action du président entre 2018 et 2020 ».

« Nous avons classé les États-Unis comme “en recul” pour la première fois cette année, mais nos données suggèrent que l’épisode de déclin a commencé au moins en 2019 », souligne M. Hudson.

Couvrant un demi-siècle d’indicateurs démocratiques et suivant la plupart des pays du monde (environ 160), International IDEA les classe en trois catégories : démocratie (dont « démocratie en recul »), régimes « hybrides » et régimes autoritaires.

« La détérioration visible de la démocratie aux États-Unis, comme en témoignent la tendance croissante à contester des résultats électoraux crédibles, les efforts pour supprimer la participation et la polarisation galopante […] est l’une des évolutions les plus préoccupantes concernant la démocratie à l’échelle mondiale », a affirmé le secrétaire général d’International IDEA, Kevin Casas-Zamora.

Avec désormais sept nations, le nombre de pays où la démocratie est considérée en recul a doublé en près d’une décennie.

Deux pays qui figuraient dans la liste l’an passé (Ukraine et Macédoine du Nord) est sont sortis car la situation s’est améliorée. Deux autres, le Mali et la Serbie, en ont été exclus car les deux nations ne sont plus considérées comme des démocraties.

Pour la cinquième année consécutive en 2020, le nombre de pays allant dans le sens de l’autoritarisme a dépassé le nombre de pays en phase de démocratisation.

Une situation inédite depuis le début des données de l’organisation dans les années 70 et qui devrait se poursuivre en 2021.

Birmanie, Afghanistan, Mali déclassés

La Birmanie va en effet être déclassée du rang de démocratie à celui de régime autoritaire. Et l’Afghanistan et le Mali basculer de régimes hybrides à régimes autoritaires.

La Zambie, désormais classée en démocratie, est le seul pays à avoir changé positivement de catégorie cette année.

Pour 2021, le pointage provisoire d’International IDEA recense 98 démocraties – un nombre au plus bas depuis plusieurs années – 20 régimes « hybrides » dont la Russie, le Maroc ou encore la Turquie et 47 régimes autoritaires, parmi lesquels la Chine, l’Arabie saoudite, l’Éthiopie ou encore l’Iran.

En additionnant les démocraties en recul et les régimes hybrides et autoritaires, « on arrive à 70 % de la population mondiale. Cela en dit long sur le fait qu’il se passe quelque chose de grave sur la qualité démocratique », souligne M. Casas-Zamora.  

International IDEA a par ailleurs confirmé ses conclusions de l’an passé, selon lesquelles plus de six pays sur dix ont pris des mesures problématiques pour les droits humains ou le respect des règles démocratiques face à la COVID-19, parce qu’elle étaient « illégales, disproportionnées, sans limite de temps ou superflues ».

Plus de neuf régimes autoritaires sur dix sont concernés, mais aussi plus de 40 % des démocraties.

« La pandémie a clairement accéléré certaines tendances négatives, notamment dans les pays où la démocratie et l’État de droit souffraient déjà avant », selon M. Casas-Zamora.