Netflix m'a envoyé ce matin une courriel m'annonçant que je devrais recevoir sous peu Blue Jasmine, film de Woody Allen en nomination pour trois Oscars - Meilleur scénario original (Allen), Meilleure actrice (Cate Blanchett) et Meilleur second rôle féminin (Sally Hawkins).

Or, après avoir lu la lettre ouverte de la fille adoptive d'Allen publiée samedi soir sur un blogue du New York Times, j'avoue ressentir un malaise à l'idée de voir ce film que plusieurs critiques ont vanté. C'est évidemment le but recherché par Dylan Farrow, aujourd'hui âgée de 28 ans, qui est toujours habitée par une rage sans nom à l'égard de l'ancien compagnon de sa mère adoptive, Mia Farrow. Sa missive s'ouvre sur ce paragraphe :

«Quelle est votre film favori de Woody Allen? Avant de répondre, vous devez savoir : quand j'avais sept ans, Woody Allen m'a prise par la main, et m'a conduite dans un petit grenier mal éclairé au 2e étage de notre maison. Il m'a dit de m'allonger sur le ventre et de jouer avec le train électrique de mon frère. Et il m'a agressée sexuellement. Il me parlait en le faisant, me murmurant que j'étais une gentille petite fille, que c'était notre secret, me promettant que nous irions à Paris et que je serais une star de cinéma.»

Je me souvenais des accusations d'agression sexuelle qui avaient fait surface en 1992 à l'occasion de la bataille judiciaire dans laquelle étaient engagés Woody Allen et Mia Farrow pour la garde de leurs trois enfants. Le réalisateur avait tout nié, accusant à son tour l'actrice d'avoir manipulé ses enfants. Même si des «raisons suffisantes» existaient pour poursuivre Allen, un procureur du Connecticut y avait renoncé, jugeant la fillette «trop fragile».

Dans sa lettre ouverte, Dylan Farrow accuse aussi Hollywood d'avoir aggravé son malheur en faisant très largement fi de ses accusations à l'encontre de Woody Allen, qui a reçu un Cecil B. DeMille Award lors de la remise des Golden Globes 2014. Or, Hollywood, ou plutôt les quelque 6 000 membres de l'Académie des Arts et Sciences du Cinéma commenceront à voter vendredi pour les Oscars qui seront remis le 2 mars.

Quel poids doivent-ils donner à des allégations vieilles de 20 ans lorsqu'ils feront leurs choix dans les catégories où le film d'Allen est en nomination? Le New York Times soulève aujourd'hui la question dans cet article. La réponse officielle de l'Académie est catégorique. «L'Académie honore l'excellence au cinéma, pas dans les vies personnelles des réalisateurs et des artistes», a écrit un porte-parole dans un courriel envoyé au Times.

Le blogueur Andrew Sullivan est beaucoup moins catégorique. Il a signé hier un billet favorable à la thèse et à la cause de Dylan Farrow. Le critique des médias Michael Wolff a adopté un point de vue diamétralement opposé au sien dans cet article publié par le Guardian, accusant Mia Farrow et ses enfants de «manipulation» médiatique.

Quant à Robert Weide, réalisateur et producteur d'un documentaire sur Woody Allen diffusé sur PBS, il revient ici sur la relation du cinéaste avec Soon-Yi Previn, fille adoptive de Mia Farrow et d'André Previn, et les accusations de Dylan Farrow.

De toute évidence, Weide continue à croire en Woody. Mais nous?