De l'espoir à la merde : cela résume crûment la journée mémorable et déplorable que Washington a vécue hier.

En début d'après-midi, un groupe de sénateurs républicains et démocrates a annoncé un accord de principe sur l'immigration. Celui-ci vise notamment à régulariser la situation des «Dreamers», ces centaines de milliers de clandestins arrivés enfants aux États-Unis et qui jouissaient d'une protection spéciale accordée en 2012 par l'administration Obama et abolie en septembre dernier par l'administration Trump.

En milieu d'après-midi, le président a convoqué à la Maison-Blanche deux de ces sénateurs - le républicain Lindsey Graham de Caroline-du-Sud et le démocrate Dick Durbin d'Illinois. Ceux-ci, qui croyaient avoir la chance d'expliquer tranquillement au président les détails de l'accord de principe, ont été surpris de constater que plusieurs autres élus républicains avaient été invités, dont le sénateur républicain d'Arkansas Tom Cotton, un tenant de la ligne dure en matière d'immigration.

Selon ce compte-rendu du New York Times, Cotton n'a d'ailleurs pas manqué de qualifier l'accord de principe de «farce» devant le président, ajoutant que les démocrates n'avaient rien offert de «légitime» aux républicains en échange de la régularisation des «Dreamers».

Selon le Times, l'accord de principe inclut une enveloppe de 2,5 milliards de dollars pour la sécurité à la frontière sud et l'élimination du programme de loterie de visa qui accorde annuellement 50 000 «cartes vertes». L'entente prévoit d'utiliser un certain nombre de ces «cartes vertes» pour assurer la protection de populations vulnérables qui devraient quitter les États-Unis après avoir perdu le statut de protection temporaire.

C'est alors que le sénateur Durbin a mentionné Haïti, incitant Donald Trump à tempêter contre les «pays de merde», une expression qui recouvre également selon lui les nations africaines. Le président a enchaîné en précisant que les États-Unis devraient accueillir plus de gens originaires de pays comme la Norvège, où 83% de la population est blanche et relativement riche.

Qualifiés de racistes par des démocrates et des journalistes, condamnés par des républicains, dont la représentante de l'Utah Mia Love, qui a réclamé des excuses au président, les propos de ce dernier n'ont pas été niés par la Maison-Blanche. En fait, ils lui ont servi à défendre sa politique en matière d'immigration.

«Certaines personnalités politiques à Washington choisissent de se battre pour des pays étrangers, mais le président Trump se battra toujours pour le peuple américain», a déclaré un porte-parole de la Maison-Blanche, Raj Shah, dans un communiqué.

«Comme d'autres nations ayant une immigration fondée sur le mérite, le président Trump se bat pour des solutions durables qui renforcent notre pays en accueillant ceux qui contribuent à notre société, font croître notre économie et s'assimilent à notre grande nation», a-t-il poursuivi.

La controverse ne met pas seulement en péril la situation de quelque 800 000 «Dreamers», qui pourraient être expulsés à partir de mars si le Congrès ne parvient pas à régulariser leur situation. À en juger par la réaction de certains animateurs de Fox News, elle creusera encore davantage le fossé entre les partisans endurcis de Donald Trump, qui défendront ses propos, et ses critiques, qui y verront l'expression crue de son projet véritable.

«Rendre à l'Amérique sa grandeur est vraiment un euphémisme pour Rendre à l'Amérique sa blancheur», a déclaré hier soir le représentant démocrate de Louisiane Cedric Richmond, président du Black Caucus au Congrès des États-Unis.

Ne manque que le tweet approbateur de David Duke.

P.S. : Donald Trump a nié sur Twitter ce matin avoir utilisé l'expression «shithole» hier. Vraie ou fausse, cette mise au point lui permettra d'éviter d'avoir à présenter des excuses ou à admettre une erreur. À noter que son tweet a été publié après qu'un des animateurs de son émission préférée, Fox & Friends, a déclaré qu'il avait commis une erreur.

P.P.S. : Le sénateur démocrate Dick Durbin, à propos du démenti de POTUS concernant l'utilisation de «shithole»: «Ce n'est pas vrai. Il a dit ces choses haineuses, et il les a dites de façon répétée.»