Le dossier ukrainien a continué d'alimenter la guerre des mots entre la Russie et les autres pays du G8, hier. Mais il existe un endroit qui échappe encore aux tensions diplomatiques: l'espace. En effet, la collaboration spatiale russo-américaine se poursuit, en dépit des événements politiques. Mais pour combien de temps?

L'histoire ne dit pas s'ils sont en train de jaser de politique. Mais au moment même où leurs dirigeants se livrent une guerre des nerfs à la suite de l'annexion de la Crimée par la Russie, deux Russes et un Américain tournent actuellement autour de la Terre, enfermés dans un vaisseau Soyouz.

Alexander Skvortsov, Oleg Artemyev et Steven Swanson devaient s'amarrer à la Station spatiale internationale hier matin, six heures après leur décollage du Kazakhstan. Un moteur ayant mal fonctionné a toutefois fait avorter la manoeuvre. Les trois hommes sont hors de danger, mais ils doivent faire 30 fois le tour de la Terre avant de pouvoir tenter un nouvel arrimage, prévu pour ce soir.

L'événement illustre une réalité intéressante: malgré le climat de haute tension qui règne entre la Russie et les États-Unis sur le dossier ukrainien, la collaboration spatiale entre les deux pays se poursuit.

En conférence de presse, les astronautes ont affirmé que leurs repas dans la Station spatiale internationale (SSI) seraient «une occasion de se rapprocher entre amis dans la cuisine et de se regarder dans les yeux».

«Il sera très intéressant de voir comment évoluera cette collaboration», note le communicateur scientifique Jean-Pierre Urbain, qui s'intéresse de près à l'espace.

M. Urbain souligne que les astronautes des différents pays se connaissent très bien, puisqu'ils ont passé des années à s'entraîner ensemble.

«Leurs familles se connaissent, des liens très forts ont été tissés. Mais plusieurs des astronautes sont des militaires. En Russie, le programme spatial est aussi sous le contrôle de l'armée. Les astronautes sont des ressortissants de pays et, si on leur donne des ordres, ils vont obéir.»

Pour l'instant, il ne s'attend pas à ce que la collaboration entre Russes et Américains dans la Station spatiale, qui dure depuis 1993, cesse subitement.

«Mais si ça s'envenime beaucoup au sol, qu'on a des troupes face à face qui sont prêtes à en découdre, on ne sait pas quelles seront les conséquences sur la collaboration spatiale», souligne-t-il.

Même si elle fait l'objet d'une collaboration entre 15 pays, la SSI est composée d'un module russe et d'un module international, qui peuvent être séparés au besoin. Un tel divorce compliquerait sérieusement la tâche des Américains, qui comptent sur les Soyouz russes pour amener les astronautes à la SSI et les ramener sur Terre depuis la fin du programme des navettes, en 2011.



Pendant ce temps, sur Terre...

La guerre des mots s'est poursuivie hier sur la terre ferme, Barack Obama affirmant que la Russie finirait par comprendre qu'elle n'atteindra pas ses objectifs «par la force brute» en Ukraine.

Lors d'un discours à Bruxelles, le président américain a affirmé que la crise actuelle est un «moment test pour l'Europe et les États-Unis, pour l'ordre international que nous avons mis des générations à construire» (voir texte plus bas).

Il a affirmé que la Russie courait à un «isolement» de plus en plus «profond» si elle persistait dans cette voie.

L'OTAN a renforcé sa présence en Pologne et patrouille dans le ciel des pays baltes, alors que la Russie continue de renforcer ses troupes à la frontière ukrainienne.

«Il m'apparaît de plus en plus apparent que la guerre froide n'a jamais quitté l'esprit de Vladimir Poutine», a dit quant à lui le premier ministre canadien Stephen Harper, en visite en Allemagne.

«Nous ne pouvons tout simplement pas prendre le risque que l'Europe redevienne un continent où les gens s'emparent de territoires, où les puissances militaires les plus fortes sont prêtes à envahir leurs voisins ou s'arroger des morceaux de territoire», a ajouté M. Harper.