Du supplice de la baignoire («waterboarding») à la bastonnade sur la plante des pieds («falaqa» dans les pays arabes), la torture est une pratique «endémique et régulière» dans le monde, note l'ONG ACAT dans son premier rapport annuel mondial.

L'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT) part d'un constat sans fard: «On peut raisonnablement estimer que plus de la moitié des États membres de l'ONU recourent à la torture». Avant de dresser un tableau de la torture dans le monde à travers l'étude de 22 pays sur les cinq continents publiée jeudi.

«Endémique dans un grand nombre de pays, elle s'y exerce sur un mode régulier», note l'ONG en citant «les régimes totalitaires, les dictatures et de nombreux régimes islamiques, mais aussi les pays marqués par la fragilité et la violence politique».

Dans son étude intitulée «un monde tortionnaire», l'ACAT fait la description parfois crue des méthodes de torture dans les pays étudiés, «de l'Erythrée où se pratique le supplice de la crucifixion, désigné sous l'appellation 'Jésus-Christ', à l'Ouzbékistan où se répand la nouvelle méthode de lavement forcé à l'eau et au piment».

Dans un préambule, Anne-Cécile Antoni, présidente de l'ACAT-France de 2008 à 2010, rappelle que si les situations de torture les plus médiatisées concernent journalistes, syndicalistes ou défenseurs des droits de l'Homme, «la majorité des victimes est formée de suspects ordinaires et de détenus de droit commun, qui appartiennent aux catégories défavorisées et vulnérables de la population».

L'ACAT rappelle la définition assez large que donnent les Nations unies de la torture: infliger une souffrance aiguë, physique ou mentale, de manière intentionnelle, à la recherche d'un but spécifique, avec l'intervention d'un agent représentant l'État.

En Afrique, «les régimes dictatoriaux ou à tendance dictatoriale, tels que la Mauritanie, le Soudan, le Zimbabwe, l'Éthiopie, l'Erythrée, la Guinée équatoriale et la République démocratique du Congo (RDC), érigent la torture en véritable système d'enquête et de répression au service de l'appareil sécuritaire», selon l'ACAT.

«Le recours à des méthodes violentes et notamment à la torture demeure très répandu au sein des forces de l'ordre» en Amérique latine, «héritage de décennies de dictatures militaires».

L'association relève aussi le danger de certaines législations antiterroristes: «la floraison de ces lois a couvert la recrudescence de l'usage de la torture: le cas de la Tunisie est à cet égard emblématique».

En Chine, comme en Iran, la torture a souvent pour objectif d'obtenir des aveux qui seront utilisés dans le cadre d'un procès, selon l'ONG.

L'ACAT montre aussi du doigt certaines démocraties occidentales, dont l'Espagne pour le régime de détention «incommunicado» (quand un prisonnier n'est pas autorisé à communiquer avec des personnes extérieures à son lieu de détention, qui entraîne un risque de mauvais traitements) et la France pour sa «politique pénale privilégiant l'adoption de lois répressives» et la surpopulation carcérale.

L'ONG dénonce aussi les euphémismes utilisés par certains États, comme le choix du mot «waterboarding», souvent traduit en français par «simulacre de noyade», une expression qui affaiblit la portée d'un acte (immobiliser un prisonnier sur une planche et lui verser de l'eau sur le visage pour provoquer une sensation d'étouffement) que l'ACAT assimile au «supplice de la baignoire» et estime être «sans l'ombre d'un doute» une torture.

Cautionné par l'administration de George W. Bush, le «waterboarding» est officiellement proscrit par les États-Unis depuis l'arrivée au pouvoir de Barack Obama.

L'ACAT, créée en 1974, apporte son soutien aux victimes de la torture et sensibilise l'opinion publique sur la torture, la peine de mort et les droits de l'Homme. Elle revendique 10 000 adhérents et 40 000 sympathisants.