La ville de Prince Albert, en Saskatchewan, a annoncé lundi qu'elle devait fermer son usine de traitement des eaux à la suite du déversement de plus de 200 000 litres de pétrole dans la rivière Saskatchewan Nord.

« Encore hier, des gens arrosaient leur gazon, lavaient leur voiture et riaient de ceux qui couraient à l'épicerie acheter des bouteilles d'eau. Il y a bien du monde qui n'arrivait pas à croire à cela, que l'eau viendrait à manquer. »

Beverly Boe, qui habite à Prince Albert, en Saskatchewan, aux prises avec une marée noire, a vite compris que l'heure était grave. « Dès que j'ai entendu parler de cette rupture d'oléoduc, j'ai fait du lavage, lavé mon plancher avant qu'il ne soit trop tard, a-t-elle raconté lundi à La Presse au téléphone. Chez nous, les douches sont réduites au minimum, on ne tire la chasse d'eau que lorsqu'il le faut vraiment et je lave ma vaisselle avec l'eau que j'utilise pour cuisiner. On vit comme si on était en camping. Chez moi, il n'y a pas un plat Tupperware qui n'ait pas été rempli d'eau en fin de semaine. D'autres personnes se félicitent d'avoir une piscine, dont ils pourront puiser l'eau pour leur toilette au besoin. »

Lundi, à la première heure, la Ville de Prince Albert a annoncé qu'elle devait fermer son usine de traitement des eaux, une décision rendue nécessaire par la nappe de pétrole sur la rivière Saskatchewan Nord qui était rendue aux portes de la ville.

Le déversement, causé par une rupture du pipeline de l'entreprise Husky Energy, est survenu jeudi. Entre 200 000 et 250 000 litres de pétrole ont été déversés.

Si les réserves en eau de Prince Albert ne lui permettent de tenir que deux jours, un oléoduc d'environ 30 kilomètres qui transportera l'eau de la rivière Saskatchewan Sud jusqu'à l'usine de traitement des eaux de Prince Albert devrait être fonctionnel dès demain.

Cela ne rassure pas Mme Boe pour autant. « Ce ne saurait être qu'une solution temporaire. Je suis loin d'être certaine que l'eau qui nous sera ainsi acheminée sera suffisante pour nous approvisionner tous si mes concitoyens continuent de gaspiller l'eau comme ils l'ont fait ces derniers jours. »

Photo Jason Franson, La Presse Canadienne

L'eau de Prince Albert provient principalement de la rivière Saskatchewan Nord, dans laquelle entre 200 000 et 250 000 litres de pétrole brut se sont déversés jeudi.

Une autre résidante de Prince Albert, qui n'a pas voulu qu'on écrive ici son nom, se montrait zen. « Ce sont des choses qui arrivent, on le sait, on a déjà vu d'autres ruptures d'oléoduc ailleurs, a-t-elle dit. J'ai grandi dans une ferme, où nous n'avions pas d'eau courante, mais des puits, alors ce genre de situation ne me traumatise pas. Par contre, je ne sais pas trop comment les agriculteurs vont faire pour tenir si la contamination perdure pendant des mois, comme on nous le dit. » 

PAS UN MOT DE LA PROVINCE

Déjà frappée par la chute des prix du pétrole et de la potasse et envisageant un déficit de 434 millions en 2016-2017, la Saskatchewan doit maintenant composer avec cette catastrophe environnementale. 

En janvier, le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, a causé la controverse en déclarant sur Twitter que les maires de la région de Montréal qui s'opposent au passage de l'oléoduc Énergie Est devraient rembourser leur part de la péréquation. 

Depuis jeudi, M. Wall n'a rien dit à propos de ce déversement. Sur le site internet de la Saskatchewan, pas un mot là-dessus non plus. Comme si rien n'était arrivé. Ce silence a été critiqué par les personnes interviewées, de même que par des internautes sur les réseaux sociaux. 

L'ALBERTA SUR LA DÉFENSIVE

Mercredi, avant son départ pour Whitehorse, au Conseil de la fédération, la première ministre de l'Alberta, Rachel Notley, a pour sa part affirmé être en mesure de faire taire une bonne partie des critiques avec un plan de développement des oléoducs qui, selon elle, établit un équilibre responsable entre la croissance économique et la protection de l'environnement. 

Les citoyens de Prince Albert s'en remettent aux autorités de leur ville, qui multiplient les mises en garde et les appels à économiser l'eau. Des amendes sont maintenant prévues pour tout citoyen vu en train d'arroser son gazon ou de gaspiller l'eau indûment. Les lave-autos ont été fermés.