Le dioxyde de carbone, depuis longtemps identifié comme le principal coupable du réchauffement de la planète, pourrait se faire une nouvelle vertu si une petite société américaine réussissait son pari de le transformer en essence.

À première vue, l'entreprise semble aussi folle que celle de l'alchimiste médiéval Nicolas Flamel, à ceci près qu'il ne s'agit plus de transformer le plomb en or, mais l'agent polluant en énergie propre.

Alors que l'administration Obama a fait de la lutte contre le réchauffement climatique et de la recherche d'énergies propres une priorité, la société Carbon Sciences, qui a breveté ses découvertes, espère surfer sur la mobilisation des politiques et de l'opinion pour devenir la première à réussir ce pari.

Cette petite entreprise de Santa Barbara (Californie, ouest des États-Unis) se dit prête à construire une première usine pilote à l'échelle opérationnelle, qui pourrait commencer à produire un biocarburant de nouvelle génération dès la fin 2010.

Jeudi, son directeur opérationnel Byron Elton a expliqué qu'il ne lui restait plus qu'à trouver un partenaire pour lancer le projet.

«Notre partenaire peut être quiconque produit beaucoup de CO2: une centrale à charbon, une cimenterie, une raffinerie», a-t-il dit à l'AFP lors d'une rencontre à New York.

Si un partenariat était scellé dans les neuf mois, ce nouveau type de biocarburant pourrait commencer à être produit dès la fin 2010, affirme M. Elton, tout en reconnaissant que l'échéancier «pourrait être un peu ambitieux».

La technologie développée par Carbon Sciences recourt à des micro-organismes, qu'elle appelle «bio-catalyseurs»: dans un premier temps il faut «déstabiliser» le dioxyde de carbone en le mélangeant avec de l'eau. Puis les micro-organismes, protégés par des coquilles de polymère spécialement mises au point, se chargent de recomposer hydrogène et carbone pour produire des hydrocarbures.

Le mécanisme est le même que celui mis en oeuvre dans la nature, lors de la genèse des hydrocarbures. Mais dans le procédé de Carbon Sciences, «les biocatalyseurs sont protégés» et réutilisés, si bien que l'essence peut être produite avec un prix de revient «très, très compétitif».

Carbon Sciences, une société cotée employant 8 personnes seulement, affirme être la plus avancée dans cette recherche, mais elle n'est pas la seule à explorer cette piste.

L'investisseur-chercheur Craig Venter, dont l'équipe avait été la première à annoncer avoir réussi à décoder le génome humain en 2000, avait annoncé dès février 2008 qu'il pensait réussir en l'espace de 18 mois à produire du biocarburant «de quatrième génération», c'est-à-dire non pas sur une base agricole comme l'éthanol, mais à base de dioxyde de carbone.

Aujourd'hui le J. Craig Venter Institute vante surtout des avancées utilisant des algues pour décomposer et recomposer le CO2 en hydrocarbures.

Ces initiatives suscitent un grand intérêt parmi les responsables américains. Elles sont d'autant plus prisées aux États-Unis que le pays tire la moitié de son électricité de centrales à charbon, énormes émettrices de gaz carbonique, dont le coût écologique est à ce titre décrié.

«La question n'est pas de savoir si nous utilisons le charbon, mais comment nous l'utilisons», a déclaré au début du mois l'influent sénateur Byron Dorgan.

M. Dorgan avait précisé que 3,4 milliards de dollars avaient été budgétés à cette fin dans le plan de relance économique voté en début d'année. Une manne dont Carbon Sciences voudrait bien profiter, selon M. Elton.