Ce n'est pas d'hier que la protection de la forêt boréale mobilise les groupes écologistes, inquiets de l'ampleur des coupes de bois dans la partie septentrionale du territoire québécois. Un nouvel outil cartographique interactif permet de visualiser la montée vers le nord de l'industrie forestière au cours des trois dernières décennies - et de mieux comprendre la vulnérabilité du caribou forestier.

L'histoire vue de l'espace

En ligne depuis la mi-juin, la carte interactive a été mise au point par Ressources naturelles Canada en collaboration avec des chercheurs de l'Université de la Colombie-Britannique et la firme Foundry Spatial. Sur la base d'images satellitaires, elle illustre l'évolution du couvert forestier canadien entre 1985 et 2011, au gré des coupes de bois, des incendies et des travaux d'infrastructures. « Nous avons créé une manière facile pour les gens d'explorer des quantités immenses d'information, écrit sur le blogue de Foundry Spatial le PDG Ben Kerr. C'est important, car cela raconte l'histoire récente de nos forêts. »

Toujours plus haut

Pour le biologiste Pier-Olivier Boudreault, de la section québécoise de la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP Québec), l'empreinte de la foresterie vue de l'espace « est particulièrement évocatrice de notre dépendance aux forêts dites "primaires", soit celles qui n'ont jamais été touchées par la foresterie industrielle ». Concrètement, comme l'illustre la vidéo ci-contre, qu'il a assemblée à partir des données annuelles québécoises de la carte interactive, les coupes ne cessent de monter vers le nord. « On voit que la foresterie n'est pas capable de rester à l'intérieur de son empreinte », dit-il.

Au secours du caribou

Cette montée vers le nord n'en rend que plus urgente la création d'aires de protection des derniers pans de forêt n'ayant jamais été exploités par l'industrie, estime Pier-Olivier Boudreault. « On parle beaucoup de la rainette faux-grillon et du béluga ces jours-ci, mais le caribou forestier fait aussi partie de la liste des espèces vulnérables ou menacées », note-t-il. La limite sud de l'aire de répartition de ce cervidé n'a cessé de remonter depuis le milieu du XIXe siècle. Malgré le reboisement qui suit les coupes, « la récolte forestière touche le caribou forestier en compromettant la production de lichens et en perturbant les grands massifs de forêts matures qui lui procurent la tranquillité et une protection contre les prédateurs », peut-on lire sur le site du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs.

Une aire protégée

Le gouvernement a reconnu l'importance de préserver certains secteurs forestiers afin d'assurer la pérennité du caribou. En avril, il s'est engagé à protéger 90 % des forêts intactes et à créer « une grande aire protégée caribou dans le secteur des montagnes Blanches », une zone qui chevauche le Saguenay-Lac-Saint-Jean, la Côte-Nord et le Nord-du-Québec. Québec n'a toutefois pas précisé quand sera établie cette zone de protection, ni la superficie de celle-ci.

Rapport controversé

Dans un rapport publié en mai, Greenpeace affirme que près de la moitié des « paysages forestiers intacts » des montagnes Blanches, soit plus de 1 million d'hectares, ont été « perdus ou dégradés » entre 2000 et 2013. Le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Laurent Lessard, a réagi vivement en affirmant que le groupe écologique diffuse des données « erronées ou incomplètes dans le cadre d'une campagne de désinformation ». Selon lui, la cartographie utilisée par Greenpeace exagère entre autres la superficie des montagnes Blanches, confond incendies de forêt et coupes forestières et ne tient pas compte des aires protégées depuis 2013.

Photo archives La PResse

Les coupes forestières ne cessent de monter vers le nord, dénonce la Société pour la nature et les parcs du Canada.

Photo fournie par Parcs Canada

Le caribou forestier est une espèce menacée par les coupes forestières qui remontent vers le nord québécois.