(Jacksonville) La fanfare jouait, la foule scandait « Quatre ans de plus » et la vice-présidente américaine Kamala Harris, venue faire campagne en Floride contre le républicain Donald Trump, savourait visiblement de se retrouver seule sous les projecteurs.

Qu’il s’agisse de défendre le droit à l’avortement ou de mobiliser l’électorat afro-américain, la démocrate de 59 ans sillonne l’Amérique pour appeler à voter en novembre pour le « ticket » qu’elle forme avec le président Joe Biden.

De là à être l’arme secrète du président de 81 ans, impopulaire, quand elle ne jouit pas elle-même d’une cote de confiance bien vaillante ?

L’ancienne procureure de Californie est déjà assurée d’avoir sa place dans les livres d’histoire, elle qui est la première femme, la première Afro-Américaine et la première Américaine d’origine asiatique à occuper ce poste dont il est souvent dit qu’il n’est séparé du bureau Ovale que par un battement de cœur.

La principale cause dont elle s’est emparée est la défense du droit à l’interruption volontaire de grossesse face à ce qu’elle appelle les « interdictions de Trump », en référence aux restrictions parfois extrêmement sévères décidées par une vingtaine d’État américains.

« C’est une bataille pour la liberté ! » a martelé Kamala Harris mercredi à Jacksonville, en Floride, où venait de rentrer en vigueur une interdiction d’avorter après six semaines de grossesse.

Inspiration

PHOTO BONNIE CASH, ARCHIVES REUTERS

Kamala Harris

L’ancien président se vante régulièrement, d’avoir, par ses nominations à la Cour suprême, conduit l’institution à mettre fin en 2022 à une garantie fédérale du droit à l’avortement.

Kamala Harris est une « inspiration dans le combat pour les femmes », a salué la maire de Jacksonville, Donna Deegan, lors d’un évènement conclu par la fanfare d’une université historiquement noire.

L’entourage de la démocrate met en avant sa capacité à s’adresser aux femmes et à l’électorat afro-américain.

« Sur le sujet de l’avortement en particulier, elle est mobilisée de manière très stratégique », note Thomas Whalen, chercheur en sciences sociales à l’université de Boston, pour qui la vice-présidente « semble faire un travail efficace » sur le terrain.

Kamala Harris a aussi, à plusieurs reprises, semblé avoir un temps d’avance sur le président octogénaire en ce qui concerne la guerre à Gaza, sujet politiquement brûlant.

L’ancienne magistrate, qui enfant accompagnait ses parents à des manifestations en faveur des droits civiques, a été la première responsable de haut rang à appeler à un « cessez-le-feu immédiat » dans le territoire palestinien ravagé par la guerre.  

Ses conseillers assurent toutefois qu’elle est, en la matière, sur la même ligne que Joe Biden, qui a manifesté un soutien inconditionnel à Israël depuis l’attaque sans précédent du Hamas sur son sol le 7 octobre.

Stéréotype

Kamala Harris a été critiquée pour des sorties diplomatiques ratées ou pour une envergure politique jugée réduite, mais aussi visée sur des sujets plus personnels, comme le temps qu’elle consacre à sa coiffure ou la tonalité de son rire.

Cette semaine, elle a essuyé des moqueries sur l’internet après avoir rappelé, dans un entretien avec l’actrice et animatrice Drew Barrymore, que dans sa famille recomposée elle avait le surnom affectueux de « Momala ». Son interlocutrice a commenté : « Il faut que vous soyez la Momala du pays. »

« Kamala Harris n’est pas notre “Momala”, elle est notre vice-présidente », a répliqué un éditorialiste du New York Times, Charles Blow, qui craint qu’elle ne soit réduite à un « stéréotype », celui de la « nounou noire » qui serait dotée d’une capacité « surnaturelle » à réconforter les autres.  

La démocrate occupe un poste qui est, en lui-même, le plus ingrat qui soit.

« Je suis vice-président. C’est-à-dire que je ne suis rien, mais que je peux être tout », avait lancé John Adams, vice-président de George Washington, puis lui-même président de 1797 à 1801.

Si Joe Biden, qui est déjà le président le plus âgé de l’histoire américaine, était réélu, Kamala Harris lui succéderait en cas de décès ou d’incapacité, comme le prévoit la Constitution.

Elle a d’ailleurs déjà exercé le pouvoir présidentiel pendant exactement une heure et 25 minutes en novembre 2021, pendant que le président subissait une coloscopie sous anesthésie générale.