Le principal avocat de Donald Trump a tenté mardi de dépeindre Michael Cohen comme un homme vengeur, obsessif et cupide, tout en attaquant sa crédibilité lors des premières heures d’un contre-interrogatoire intense qui nécessitera une autre journée. Le témoin vedette du procès de l’ancien président à New York a conservé son calme, mais il n’est sans doute pas sorti indemne de l’épreuve.

(New York) Vengeance

Dès les premiers instants du contre-interrogatoire, Todd Blanche, l’avocat principal de Donald Trump, a demandé à Michael Cohen s’il avait diffusé récemment sur TikTok des vidéos où il traitait l’ancien président de « dictateur odieux » et où il souhaitait le voir en cage « comme un putain d’animal ».

« Ça ressemble à quelque chose que j’ai dit », a répondu l’ancien avocat de Donald Trump après la mention de la première vidéo.

« Je me souviens d’avoir dit cela », a-t-il ajouté après la mention de la deuxième vidéo.

Cherchant à démontrer que Michael Cohen était dévoré par l’esprit de vengeance, Todd Blanche a également fait entendre à la cour un extrait de Mea Culpa, l’émission balado animée par le témoin. « J’espère vraiment que Donald Trump finira en prison », a dit en octobre 2020 celui qui finissait alors une peine d’emprisonnement de trois ans à domicile en raison de la pandémie de COVID-19.

CROQUIS DE JANE ROSENBERG, REUTERS

Croquis d’audience montrant Michael Cohen interrogé par Todd Blanche

Michael Cohen a reconnu avoir formulé ce souhait.

Todd Blanche est revenu sur la question lors du contre-interrogatoire.

« Voulez-vous que le président Trump soit condamné dans cette affaire ? »

« Bien sûr », a répondu Michael Cohen.

Obsession

« Vous étiez en fait obsédé par le président Trump, n’est-ce pas ? » Passant souvent du coq à l’âne, Todd Blanche a posé à Michael Cohen des questions qui semblaient avoir pour but de le déstabiliser, comme celle-là.

« Je ne sais pas si je parlerais d’obsession, mais je l’admirais énormément », a répondu le témoin.

Todd Blanche a poursuivi en rappelant tout le bien que Michael Cohen avait déjà dit de son ancien patron.

PHOTO CRAIG RUTTLE, AGENCE FRANCE-PRESSE

Donald Trump et son avocat Todd Blanche

« Vous avez dit que c’est un homme qui se soucie profondément de ce pays ? »

Cohen : « J’ai dit ça. »

« À ce moment-là, vous ne mentiez pas, n’est-ce pas ? », a demandé Todd Blanche après une série de questions sur ce thème.

Cohen : « À l’époque, j’étais plongé jusqu’au cou dans le culte de Donald Trump, oui. »

À entendre les questions de Todd Blanche, ce culte s’est transformé en obsession anti-Trump depuis que l’ancien président a rompu les liens avec Michael Cohen en 2018.

Cupidité

L’ancien avocat de Donald Trump est également animé par l’appât du gain, selon Todd Blanche. Ce dernier a montré aux jurés divers articles vendus sur le site web de l’émission balado de Michael Cohen, dont un t-shirt à 32 $ montrant Trump en habit orange derrière les barreaux d’une cellule de prison.

« Vous avez vraiment porté ce t-shirt la semaine dernière sur TikTok ? », a demandé Todd Blanche à Michael Cohen.

« Je l’ai fait », a répondu le témoin.

Todd Blanche a également forcé le témoin à admettre qu’il avait empoché 3,4 millions de dollars pour écrire deux livres, Disloyal et Revenge, sur son expérience dans le sillage de Donald Trump.

PHOTO ALEX KENT, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des partisans de Donald Trump brandissent un drapeau montrant l’ancien président républicain, à l’endroit où sont massés caméramans et photographes.

L’avocat de la défense a aussi demandé à Michael Cohen s’il diffusait des vidéos sur TikTok pour faire de l’argent.

« Il y a de l’argent à faire, oui », a répondu Michael Cohen.

« Ce n’est pas ma question, a répliqué Todd Blanche. L’une des raisons pour lesquelles vous le faites, c’est pour gagner de l’argent, oui ou non ? »

Cohen : « Oui. »

Crédibilité

Todd Blanche n’a posé aucune question à Michael Cohen sur les paiements à Karen McDougal et Stormy Daniels en échange de leur silence avant l’élection présidentielle de 2016 ou sur la falsification de documents commerciaux dont est accusé Donald Trump. Ces questions viendront peut-être jeudi, lorsque le contre-interrogatoire reprendra.

PHOTO CHENEY ORR, REUTERS

« Trump, sauve de nouveau l’Amérique », peut-on lire sur cette bannière qu’installent des partisans de l’ancien président.

En attendant, l’avocat de Donald Trump a attaqué la crédibilité de Michael Cohen en revenant notamment sur l’entrevue qu’il a accordée à l’équipe du procureur spécial Robert Mueller chargé de l’enquête sur l’affaire russe.

« Vous leur avez dit, le 7 août 2018, que vous ne vous souveniez pas d’avoir parlé avec Trump de la vidéo [d’Access Hollywood], c’est bien ça ? », a demandé Todd Blanche.

« Je ne m’en souviens pas », a répondu Michael Cohen.

« Mais vous avez témoigné hier que vous aviez un souvenir précis d’avoir parlé à M. Trump de l’enregistrement d’Access Hollywood. »

« C’est exact », a répondu Michael Cohen.

Todd Blanche a fourni d’autres exemples semblables de la mémoire relative du témoin, lui faisant notamment dire qu’il ne se souvenait pas de conversations récentes avec des responsables du bureau du procureur de Manhattan, qui lui demandaient de cesser de parler aux médias.

Regrets

Le contre-interrogatoire de Michael Cohen suivait trois autres heures de témoignage direct mené par la procureure Susan Hoffinger. Cette dernière lui a soutiré des mea culpa à propos de nombreux mensonges sur lesquels Todd Blanche pourrait revenir jeudi.

Elle lui a également demandé d’expliquer sa décision de retourner sa veste en août 2018, plusieurs mois après la fouille de son domicile et de son bureau par le FBI.

« Ma famille – ma femme, ma fille, mon fils – m’a dit : “Pourquoi t’accroches-tu à cette loyauté ? Qu’est-ce que tu fais ? Tu es censé être d’abord loyal envers nous.” […] J’ai pris une décision basée sur la conversation que j’ai eue avec ma famille, celle de ne plus mentir pour le président Trump », a-t-il dit.

Et d’ajouter : « Je regrette d’avoir fait pour [Trump] des choses que je n’aurais pas dû faire – mentir, intimider des gens pour atteindre un objectif. Je ne regrette pas d’avoir travaillé avec la Trump Organization. Comme je l’ai déjà dit, j’y ai vécu des moments très intéressants. Mais pour rester loyal et faire les choses qu’il m’avait demandé de faire, j’ai violé mon sens moral et j’en ai subi les conséquences, tout comme ma famille. »