(New York) Michael Cohen a-t-il menti lors de la première journée de son témoignage au procès de Donald Trump à New York, lundi ?

La question mijotera au cours des trois prochains jours dans la tête des 12 jurés qui devront rendre un verdict dans cette affaire historique visant un ancien président et candidat à la présidence. Elle pourrait être cruciale.

Cette question découle d’une accusation formulée jeudi par Todd Blanche, principal avocat de Donald  Trump, lors d’un moment clé de la deuxième journée du contre-interrogatoire de Michael Cohen, journée brutale pour le témoin vedette de la poursuite.

Mise en contexte. Lundi, Michael Cohen a affirmé avoir contacté au téléphone Keith Schiller, ancien garde du corps de Donald Trump, le 24 octobre 2016. Selon son témoignage, il a profité de cet appel pour communiquer une information de la plus grande importance à son ancien patron, qui tenait à la main le téléphone de Keith Schiller : le paiement de 130 000 $ à Stormy Daniels en échange de son silence avant l’élection présidentielle de 2016 était chose faite.

Or, lors du contre-interrogatoire de jeudi, Todd Blanche a offert une tout autre version de cet appel qui a commencé à 20 h 02 et pris fin 96 secondes plus tard. Il a présenté à la cour des textos entre Michael Cohen et Keith Schiller qui ont précédé de quelques minutes l’appel. Ces textos portaient sur les appels et les textos harcelants que l’ancien « fixer » de Donald Trump se plaignait de recevoir. Celui qui les envoyait se présentait comme un adolescent de 14 ans.

« Puis-je t’appeler ? », a demandé Michael Cohen dans un texto à Keith Schiller, qui a répondu par l’affirmative.

Michael Cohen l’a appelé à 20 h 02.

C’est en présentant ces faits que Todd Blanche a accusé Michael Cohen de s’être parjuré à propos de l’objet de l’appel du 24 octobre.

« C’est un mensonge ! », a lancé l’avocat de la défense en haussant le ton. « Vous n’avez pas parlé au président Trump ce soir-là. Admettez-le ! »

« Non, monsieur, je ne peux pas. Parce que je ne suis pas certain que ce soit exact », a répondu Michael Cohen après avoir noté qu’il ne se souvenait pas de l’histoire des appels et des textos harcelants, contrairement à sa communication avec Donald Trump à propos du paiement à Stormy Daniels.

Le témoin ne s’est jamais départi de son calme avant, pendant ou après cet échange. Mais la défense venait probablement de marquer ses points les plus importants contre la poursuite, dont le succès repose non seulement sur des documents, mais aussi sur la crédibilité de Michael Cohen.

Or, si le témoin a menti à la barre sur l’appel du 24 octobre 2016, est-il crédible sur le reste, y compris cette rencontre déterminante de la mi-janvier 2017 où, selon son témoignage, le futur président a donné son accord au plan devisé par l’ancien directeur financier de la Trump Organization, Allen Weisselberg, et visant à faire passer pour des frais juridiques le remboursement des 130 000 $ versés à Stormy Daniels ?

Il suffit d’un doute raisonnable de la part d’un seul juré pour éviter à Donald Trump un verdict de culpabilité dans ce procès où il est accusé d’avoir fait falsifier des documents commerciaux pour cacher un complot visant à influencer l’élection présidentielle de 2016. S’il est reconnu coupable, il risque jusqu’à quatre ans de prison.

Un menteur avéré

L’appel du 24 octobre n’a évidemment pas été le seul élément sur lequel Todd Blanche s’est appuyé pour attaquer la crédibilité de Michael Cohen. Lors de cette deuxième journée de contre-interrogatoire, il a passé en revue une longue liste d’occasions où le témoin a menti à la justice ou au Congrès.

Il a notamment demandé à Michael Cohen s’il était vrai qu’il avait menti à un juge fédéral parce que « l’enjeu [l’]affectait personnellement ».

« Oui », a répondu Michael Cohen.

« Avez-vous le moindre doute sur le fait que l’issue de ce procès vous affecte personnellement ? », a enchaîné Todd Blanche.

« Non », a répondu le témoin.

Todd Blanche a également fait entendre à la cour des extraits de l’émission balado Mea Culpa de Michael Cohen où ce n’était pas l’homme calme et posé à la barre qu’on entendait, mais l’homme sanguin et vengeur que ses auditeurs connaissent.

« La vengeance est un plat qui se mange froid et vous pouvez croire que je veux que cet homme aille pourrir en taule pour ce qu’il a fait à ma famille », a-t-il notamment déclaré en octobre 2020.

Todd Blanche a largement ignoré les documents au cœur du procès, y compris les chèques signés par Donald  Trump à la Maison-Blanche pour rembourser à Michael Cohen les 130 000 $ versés à Stormy Daniels. Il a cependant fait admettre à Michael Cohen que l’accord de non-divulgation qu’il a signé avec l’actrice de films pornographiques n’avait rien d’illégal.

Il poursuivra le contre-interrogatoire de Michael Cohen lundi. Il n’y aura pas de témoignage ce vendredi, le juge Juan Merchan ayant accédé à la demande de Donald Trump de suspendre le procès pour lui permettre d’assister à la cérémonie de remise des diplômes de l’école secondaire de son fils Barron.

La suite du procès

Michael Cohen pourrait être le dernier témoin de la poursuite, qui aura la chance de l’interroger de nouveau pour tenter de le réhabiliter aux yeux des jurés qui auraient commencé à douter de lui.

La défense pourrait n’appeler qu’un témoin, Robert Costello, qui a brièvement servi d’avocat à Michael Cohen après le début de l’enquête criminelle le visant. Todd Blanche n’a pas encore répondu de façon définitive à la question de savoir si Donald Trump témoignera. La plupart des observateurs ne croient pas qu’il prendra un tel risque.

En attendant, l’ancien président semblait satisfait du déroulement de la deuxième journée du contre-interrogatoire, qu’il a suivie les yeux ouverts, contrairement à la première journée du témoignage de son ancien avocat personnel.

« C’était une journée fascinante. C’était une journée intéressante », a-t-il dit en sortant de la salle d’audience. « Cela montre à quel point ce procès est une escroquerie. »

De nombreux élus appartenant à l’aile radicale du groupe républicain à la Chambre des représentants se trouvaient dans la salle d’audience pour appuyer Donald Trump. Figuraient parmi ceux-ci Matt Gaetz, Lauren Boebert et Andy Biggs.