Le « service secret » américain a pour mission de protéger le président, qu’il se trouve à la Maison-Blanche ou en visite en zone de guerre à l’étranger.

Mais protéger un ex-président en prison ? Ce serait du jamais-vu. Mais c’est ce qu’il faudra faire si Donald Trump – que l’agence est tenue de protéger 24 heures sur 24 – est déclaré coupable et incarcéré au terme de son procès au criminel à New York.

Avant même le début du procès, le service secret s’est préparé, dans une certaine mesure, à l’éventualité extraordinaire d’un ancien président envoyé en prison. Les procureurs ont demandé au juge Juan Merchan de rappeler à M. Trump qu’il risquait l’incarcération même avant le verdict s’il s’en prenait aux témoins et aux jurés. (Le juge Merchan a tenu une audience mardi pour déterminer si M. Trump a commis un outrage au tribunal ; le cas échéant, il est probable qu’il donne un avertissement ou impose une amende avant de prendre la mesure extrême d’emprisonner l’ancien président, âgé de 77 ans. Le juge n’a pas dit quand il rendra sa décision.)

La semaine dernière, à la suite de la demande des procureurs, des fonctionnaires fédéraux, municipaux et de l’État se sont rencontrés pour discuter de la manière dont cette situation inédite serait traitée, selon deux personnes au fait du dossier.

Un ex-président en prison

Cette conversation en coulisses – impliquant des membres du service secret et d’autres agences – a porté seulement sur les déplacements et la protection de M. Trump si le juge ordonnait une courte peine pour outrage dans une cellule du palais de justice.

PHOTO TOM BRENNER, THE NEW YORK TIMES

Les agents du service secret américain font partie de l’entourage de Donald Trump depuis son élection à la présidence en novembre 2015.

Le défi bien plus important – comment incarcérer en toute sécurité l’ancien président si le jury le déclare coupable et que le juge le condamne à la prison – n’a pas encore été abordé, selon une douzaine d’anciens et actuels responsables de la ville, de l’État et du gouvernement fédéral interrogés pour cet article.

C’est un problème moins urgent : si M. Trump est reconnu coupable, il s’en suivra sans doute une longue série d’appels, probablement jusqu’en Cour suprême, qui reportera toute condamnation de plusieurs mois, voire d’années, observent plusieurs sources, qui soulignent qu’une peine de prison est improbable.

Mais le défi reste de taille pour le service secret et l’administration pénitentiaire, qui seraient confrontés au cauchemar logistique d’assurer la sécurité M. Trump en prison, un détenu qui serait de surcroît le candidat républicain à la présidence.

« On est en terrain inconnu, évidemment », dit Martin F. Horn, un ancien cadre supérieur des administrations carcérales des États de New York et de Pennsylvanie qui a dirigé le service des prisons et des libérations conditionnelles de la ville de New York. Aucune prison d’État ni aucun pénitencier fédéral n’a jamais eu à gérer une telle situation, dit-il.

PHOTO ERIN SCHAFF, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Des agents du service secret attendant l’arrivée de Donald Trump sur le tarmac d’un héliport à Los Angeles, le 17 septembre 2019. Le service secret est tenu de protéger les présidents actuel et anciens, mais la perspective de devoir le faire en prison est sans précédent.

La protection de M. Trump en prison nécessiterait de l’isoler des autres détenus et de sécuriser sa nourriture et ses effets personnels, expliquent des responsables : une équipe d’agents travaillerait 24 heures sur 24, sept jours sur sept, avec des rotations dans l’établissement. Ces agents seraient armés, malgré la stricte interdiction des armes dans les prisons.

Selon d’anciens responsables de l’administration pénitentiaire, il y a plusieurs prisons qui ont été fermées en totalité ou en partie dans l’État de New York : un de ces bâtiments pourrait servir à l’incarcération de l’ancien président et à l’hébergement de sa garde rapprochée.

Pas de commentaire

Le service secret ne commente aucune « opération de protection » spécifique, a indiqué le porte-parole Anthony Guglielmi. Il s’est borné à dire que la loi fédérale exige que les agents du service secret protègent les anciens présidents et qu’ils ont à leur disposition des technologies, des renseignements et des méthodes de pointe.

PHOTO ALEX BRANDON, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Un agent de protection rapprochée du président Trump en septembre 2020, durant une assemblée électorale durant la campagne présidentielle.

À l’agence pénitentiaire de l’État de New York, le porte-parole Thomas J. Mailey a refusé de se prononcer sur le traitement d’une personne qui n’a pas encore été condamnée. Mais un système permet d’évaluer et de gérer les besoins médicaux, psychologiques et de sécurité des individus, a-t-il ajouté. À la ville de New York, le porte-parole Frank Dwyer s’est borné à dire que « le service des prisons trouverait un logement adéquat » à l’ancien président.

Dans le procès de New York – la seule des quatre affaires au criminel qui risque de passer devant un jury avant l’élection –, M. Trump fait face à 34 chefs d’accusation d’avoir falsifié des documents commerciaux pour étouffer un scandale sexuel impliquant une actrice porno. Il risque une peine maximale de quatre ans de prison d’État, ce qui serait d’une sévérité extrême pour un homme sans casier judiciaire de l’âge de M. Trump. Le juge Merchan pourrait imposer une peine avec sursis et probation.

Si M. Trump est condamné et élu président, il ne pourra pas se gracier lui-même, les poursuites ayant été engagées par l’État de New York.

À New York, toute « sentence municipale » (un an ou moins) est généralement purgée sur la tristement célèbre île de Rikers, où se trouvent les sept prisons de la ville de New York. L’ancien directeur financier de M. Trump, Allen Weisselberg, 76 ans, y purge sa deuxième peine de cinq mois pour des délits liés à son travail à la Trump Corporation.

Toute « peine d’État » (plus d’un an) est généralement purgée dans une des 44 prisons administrées par le service correctionnel et des probations de l’État de New York.

Une peine avec sursis et probation conduirait à une situation surréaliste, l’ancien commandant en chef des États-Unis devant se présenter à intervalles fixes à un agent de probation municipal.

Il devrait obéir aux instructions de son agent de probation et rendre des comptes sur son travail et sa vie privée jusqu’à la fin de sa probation. Il lui serait aussi interdit de fréquenter des personnes de mauvaise réputation et, s’il commettait d’autres délits, il pourrait être emprisonné sur-le-champ.

Cet article a été publié dans le New York Times.

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