Le 15 mars dernier, François Legault faisait sa grande demande à Justin Trudeau. Il déclarait vouloir obtenir les pleins pouvoirs en immigration. Telle que formulée, cette demande ne pouvait appeler qu’une seule réponse du premier ministre Trudeau : non.

L’immigration touche plus d’une dizaine de catégories de personnes autorisées à entrer sur le territoire canadien sur une base permanente. Les travailleurs qualifiés et les membres de leurs familles font partie de cette catégorie. Elles peuvent aussi entrer au Canada sur une base temporaire lorsqu’elles sont, par exemple, des étudiants étrangers et des travailleurs temporaires. Le droit de l’immigration porte donc, entre autres, sur la définition de chacune de ces catégories de personnes, les procédures qui s’appliquent à elles pour entrer légalement sur le territoire, les raisons pour interdire leur entrée sur le territoire ou leur renvoi hors du territoire.

Même si l’immigration est un domaine constitutionnel en vertu duquel les législateurs fédéral et provinciaux peuvent agir en vertu de l’article 95 de la Loi constitutionnelle de 1867, cet article comporte une limite explicite : une loi provinciale incompatible avec la loi fédérale n’a pas d’effet.

Cette précision est importante.

La Constitution canadienne doit être lue comme un tout cohérent. Or, le Parlement fédéral possède plusieurs compétences exclusives, énoncées à l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui touchent, directement ou indirectement, le droit de l’immigration. Donnons quelques exemples : la naturalisation (l’acquisition de la citoyenneté), les aubains (la réglementation des étrangers), la quarantaine (la protection de la santé publique) et le droit criminel (le contrôle sur les questions de sécurité publique).

C’est justement pour cette raison que, d’un point de vue juridique, le gouvernement québécois ne peut pas récupérer les pleins pouvoirs en immigration puisque l’exercice d’un bon nombre d’entre eux sont étroitement reliés aux pouvoirs exclusifs attribués au Parlement fédéral.

De ce seul point de vue, la demande du premier ministre Legault, du moins telle qu’il l’a formulée, n’est pas recevable par le gouvernement fédéral en droit constitutionnel. De fait, le premier ministre Trudeau a opposé une fin de non-recevoir à la demande de M. Legault, ce qui était tout à fait prévisible. Le premier ministre du Canada, qui qu’il soit, n’acceptera jamais d’altérer aussi profondément la Constitution canadienne.

En effet, au-delà des questions de compétence, c’est la protection du territoire qui est en jeu. Seul le gouvernement fédéral peut contrôler efficacement les entrées des personnes sur la totalité du territoire canadien ainsi qu’agir sur les questions d’ordre sanitaires et sécuritaires.

Maintenir le flou

De toute évidence, François Legault sait très bien qu’il ne peut pas demander les pleins pouvoirs en immigration. Alors, que veut-il au juste obtenir du gouvernement fédéral ? Certes, on peut spéculer qu’il y a derrière son discours un savant calcul politique ayant comme point de mire les prochaines élections fédérales ou provinciales. Mais maintenir un tel flou dans l’espace public empêche la population du Québec de mieux comprendre les enjeux migratoires. Elle mine leur capacité de participer utilement et démocratiquement à la discussion sur ce sujet dont l’importance et la complexité ne cessent de croître au fil des ans.

Afin de créer des conditions propices à une discussion éclairée avec les Québécois et les Québécoises, François Legault doit nous donner des informations précises sur ce qu’il souhaite obtenir de Justin Trudeau.