Pas une semaine ne passe sans que les médias du Québec ne nous rappellent qu’il existe une pénurie de psychologues dans le système public québécois.

Cela mène à des listes d’attente interminables, y compris dans les services aux enfants, à des ruptures de service ou tout simplement à une absence totale de services en psychologie, ce qui se traduit par une surutilisation des services médicaux, dont les services d’urgence. En termes plus humains, cela implique une chronicisation ou une aggravation de la situation ou, dans les situations les plus désolantes, la mort par suicide.

La situation est critique ; les psychologues l’ont maintes fois décriée et multiplient les appels à un meilleur accès à la psychothérapie tout comme aux autres services en psychologie, faisant au passage la démonstration sans équivoque que permettre l’accès aux psychologues est non seulement essentiel sur le plan humain et social, mais aussi, pour parler le langage des gestionnaires, très payant avec des rendements de l’investissement significatifs.

Pourtant, il n’y a pas de pénurie de psychologues au Québec. Le problème est donc autre : le réseau public n’arrive tout simplement pas à les attirer et encore moins à les retenir. Pourquoi ? La réponse est fort simple : des conditions de travail déplorables.

Pour devenir psychologue, il faut détenir un doctorat. Cela implique de faire entre sept et dix ans d’études universitaires, et pendant cette formation, l’étudiant doit performer à un niveau exceptionnel. Et combien le réseau public québécois offre-t-il aux psychologues exactement ?

28,33 $ l’heure, et 52,88 $ au maximum de l’échelle.

Or, mes étudiants qui se lancent en cabinet privé à peine leur doctorat terminé facturent 160 $ l’heure. Un an plus tard, la plupart demandent 180 $.

Ainsi, le jeune psychologue se verra offrir un salaire dérisoire au public, ce qui est d’autant plus insultant qu’il entrera sur le marché du travail avec des dettes d’études, en plus de commencer à travailler plus tard que les techniciens et bacheliers du réseau. Cela n’est pas sans conséquence : les bacheliers en travail social, par exemple, prendront leur retraite de cinq à six ans plus tôt que leurs collègues psychologues en ayant accumulé plus de 300 000 $ d’actifs supplémentaires qu’eux.

Mais si les conditions de travail des psychologues expliquent leur absence dans le réseau, comment expliquer ces conditions de travail ? La réponse ici aussi est fort simple : une représentation syndicale exécrable.

Les psychologues ne constituent que 3 % d’un immense groupe de négociation (par exemple, l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux) où ils sont d’ailleurs les seuls à avoir l’obligation de détenir un doctorat pour exercer leur profession.

Ils n’ont pas de voix à la table de négociation, ils sont représentés par un syndicat qui refuse de reconnaître que leur situation est unique et requiert un traitement et un rattrapage salarial particuliers.

Ainsi, s’il y a pénurie de psychologues dans le réseau public québécois, c’est en raison non seulement du laxisme du gouvernement, lequel tourne le dos aux Québécois et Québécoises et hypothèque toute une génération de jeunes, mais aussi d’un syndicat volontairement aveugle et incapable.

Le Québec n’a pas les moyens de voir ses psychologues déserter ses hôpitaux, ses écoles et ses centres de réadaptation. Sans actions draconiennes et rapides du gouvernement, notamment une révision quant à la représentation syndicale des psychologues, des départs en masse du réseau seront encore à prévoir.

Et si c’est le cas – et ce le sera, car le réseau, il nous faut l’admettre, ne veut pas de vous, chers psychologues –, sachez que les cliniques privées embauchent.

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