Personne n’aspire à atterrir sur les banquettes de l’opposition à l’Assemblée nationale. Les candidats affirmeront qu’ils ne sollicitent que le privilège de représenter leurs électeurs à Québec. Mais ce privilège se dévoile différemment selon qu’une soirée électorale se termine avec du Veuve Clicquot ou du Canada Dry. Les ressources, autant humaines que financières, coulent naturellement vers le pouvoir. Les partis de l’opposition se débrouillent avec moins d’adjoints et de recherchistes. Faire plus avec moins – et pas toujours avec des premiers choix au repêchage.

Au surplus, les députés de l’opposition doivent trouver le ton juste entre opposer et proposer, construire et déconstruire. Souvent à l’égard de sujets sur lesquels peu d’entre eux ont des connaissances pointues. Nonobstant ces nombreux défis, la qualité des interventions des élus de l’opposition impressionne souvent. Particulièrement sur les thèmes de la santé et de l’éducation où les terrains de jeu sont vastes et complexes et l’appareil administratif, opaque. Il est juste d’affirmer que le gouvernement de la CAQ a plusieurs fois recalibré une mesure en santé ou en éducation en réaction à des propositions des partis de l’opposition.

J’aimerais pouvoir en dire autant toutefois des dossiers liés à l’économie.

De mémoire, je ne me rappelle pas une équipe d’élus à l’opposition offrant si peu de contrepoids. Ils ont essentiellement gaspillé le premier mandat de la CAQ à obséder sur les fréquentations du ministre de l’Économie et ses préférences pour la chasse au petit ou au gros gibier.

Pendant ce temps, la machine caquiste pondait des transactions. Des prêts remboursables ou non remboursables, des participations dans l’actionnariat, à l’occasion par l’entremise d’Investissement Québec, parfois par un autre canal. Un cocktail d’interventions de l’État pour lequel les partis de l’opposition ont rarement cherché le fil conducteur. On peut s’étonner que le Journal de Montréal ait posé plus de questions pertinentes sur l’ensemble de l’œuvre que les élus à l’Assemblée nationale.

Le gouvernement aligne une des équipes économiques les plus impressionnantes à avoir jamais siégé à Québec. Le recrutement de messieurs Dubé, Fitzgibbon et Girard n’est pas le fruit du hasard pour un premier ministre préoccupé par la performance économique du Québec depuis longtemps. Nous avons atteint un seuil d’emploi historique qui devrait nous réjouir. Notre économie diversifiée – soutenue surtout par la technologie, l’aérospatiale, les services professionnels, les ressources naturelles – sert très bien le Québec. La CAQ propose d’y ajouter maintenant un autre onglet – le secteur de la fabrication des batteries pour véhicules électriques.

Depuis sa réélection en 2022, le gouvernement planche à plein régime sur ce secteur. Le ministre de l’Économie a participé à plusieurs missions à l’étranger et donné d’innombrables entrevues sur le sujet. Je m’explique ainsi difficilement comment les partis de l’opposition ont attendu l’annonce de l’usine de Northvolt pour s’intéresser au projet.

Cette surpondération vers le secteur des batteries mérite d’être débattue. Il aurait fallu que les premiers bémols de l’Assemblée nationale se fassent entendre bien avant que les hauts dirigeants de Northvolt ne partagent des petits fours avec le premier ministre en Montérégie.

Aussi, comment les partis de l’opposition ont-ils pu être surpris par les sommes qu’avancerait Québec ? Ils devaient savoir que Stellantis et LG avaient convenu l’été dernier de construire une usine de batteries électriques à Windsor, en Ontario, grâce à un appui gouvernemental totalisant près de 15 milliards de dollars. Croyaient-ils que Northvolt optait pour le Québec pour la qualité de sa neige ou son sirop d’érable ?

Des voix du secteur privé se font maintenant entendre sur l’utilisation robuste de subventions ou d’incitations fiscales pour attirer des sociétés étrangères. Au-delà de ces avantages – qui, à une époque, il faut le souligner, ont bien servi le Québec notamment dans les secteurs de la technologie et des jeux vidéo –, il m’apparaît important de comprendre aussi l’impact sur la marge de manœuvre de l’État.

Pourrons-nous rester compétitifs dans les autres secteurs de l’économie – surtout si l’aventure avec Northvolt ne se solde pas qu’avec des gains ? La Finlande a beaucoup regretté sa dépendance à Nokia – la déconfiture financière de l’entreprise entre 2011 et 2013 a entraîné l’économie finlandaise dans une spirale pendant plusieurs années et le Trésor finlandais s’est vu privé de revenus importants.

On peut s’enorgueillir que le Québec ait les reins financiers pour tabler une proposition comme celle offerte à Northvolt. Pas certain qu’une offre similaire aurait été prise au sérieux il y a 10-12 ans. Mais avoir les sous et choisir de les déployer sont deux choses différentes. Malheureusement, le silence assourdissant des partis de l’opposition sur la stratégie économique du gouvernement depuis cinq ans prive les Québécois d’un débat sain et nécessaire.

Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue