L’auteure de cette lettre revient sur une décision récente de la justice ontarienne qui a maintenu, en matière de prostitution, la criminalisation des clients et des proxénètes.

La Cour de l’Ontario vient de statuer en rejetant la demande d’un groupe pro-prostitution, l’Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe, dont le but ultime est de décriminaliser tout ce qui entoure l’industrie de la prostitution partout au pays. Pour y parvenir, ce groupe tentait de remettre en doute la constitutionnalité de la loi canadienne qui criminalise les clients prostitueurs et les proxénètes.

Le juge Robert Goldstein a tranché : la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation est constitutionnelle. Il en a profité pour rappeler que « cette exploitation est parasitaire et misogyne ; qu’elle est aussi souvent violente et manipulatrice ».

Le Canada, tout comme la Suède, la Norvège, l’Islande, l’Irlande du Nord et la France, a adopté en 2014 le modèle nordique (également connu sous le nom de modèle d’égalité) en créant la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation. Cette loi criminalise les clients prostitueurs et les proxénètes tout en ne criminalisant pas les personnes en situation de prostitution. C’est un modèle qui vise ceux qui créent la prostitution, qui créent la demande pour des agences d’escortes, des bars de danseuses, des salons de massage.

Depuis dix ans, l’industrie du sexe finance de coûteuses démarches judiciaires pour contester cette loi et pour mettre à l’agenda son projet de décriminalisation totale de tout ce qui concerne la prostitution, prétextant que c’est un travail comme les autres.

Comment pouvons-nous, en 2023, accepter que les sites de sugar daddies pullulent, qu’il y ait plus de 300 salons de massage et bars de danseuses dans le Grand Montréal ? Cette industrie est puissante, elle a les moyens de faire avancer et d’appuyer les efforts de normalisation de la prostitution au pays.

L’achat de sexe ne doit pas être décriminalisé. Ne commettons pas les mêmes erreurs que l’Allemagne et les Pays-Bas. Ces deux pays constatent aujourd’hui le désastre de leur politique de légalisation ou de décriminalisation et sont actuellement en révision de leur législation : les violences faites aux femmes n’ont pas diminué et leurs conditions de vie ne se sont pas améliorées. La violence et la traite ont augmenté et le nombre de bordels a explosé (plus de 3000 en Allemagne). C’est, à tous les égards, un véritable constat d’échec.

La prostitution, c’est d’abord et avant tout une violence faite aux femmes. Penser que les femmes aiment se prostituer déculpabilise les hommes, les prostitueurs, et la société.

L’industrie du sexe a les moyens financiers de faire avancer et d’appuyer la décriminalisation de la prostitution au pays. Elle a d’ailleurs déjà bien réussi à normaliser la prostitution en l’associant au mot « travail ». Tous les médias canadiens ou occidentaux parlent désormais de « travail du sexe ».

Sournoisement, l’industrie du sexe a réussi à modifier notre façon de parler pour rendre l’exploitation plus acceptable. Ce qui est dangereux, c’est la culture du viol, c’est de faire croire que le consentement s’achète, c’est de penser que toutes les femmes sont « prostituables », qu’il suffit d’y mettre le prix.

Chaque fois qu’on associe la prostitution à un travail, on prend position pour la normalisation de l’exploitation par la prostitution, banalisant ainsi les souffrances des victimes.

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