Les enfants ont déserté les bancs d’école. Les vacances battent leur plein. Mais chez Universitas, ça brasse.

Il y a deux semaines, le spécialiste des régimes enregistrés d’épargne-études (REEE) a fourni les détails de son plan d’atténuation aux familles qui sont sorties perdantes des changements apportés à ses plans de bourses Universitas et Reeeflex, en 2017.

Déjà, le tiers des quelque 3000 personnes qui ont reçu une offre a répondu à l’appel et le taux d’acceptation est de 99 %, m’a confié Isabelle Grenier, présidente d’Universitas.

Mais d’autres clients sont loin d’être contents, à en juger par les courriels que j’ai reçus : « immoral », « complètement ridicule », « bien décevant », « rien pour calmer la grogne », « tellement fâché ! ! ! ».

Bien des familles sont désappointées. C’était écrit dans le ciel. La somme offerte par Universitas pour adoucir leur perte était trop faible pour satisfaire tout le monde.

Et peu importe les mesures d’atténuation, les parents resteront toujours indignés qu’on ait changé les règles en cours de route, alors qu’eux ont cotisé pendant de longues années en respectant scrupuleusement leur part de l’entente. Pourquoi leurs enfants seraient-ils pénalisés par des mesures rétroactives ?

Universitas n’aurait jamais dû faire ça. Point à la ligne.

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Pour bien comprendre la controverse, je vous rappelle que les REEE collectifs qu’Universitas a modifiés sont fondés sur la mise en commun de l’épargne de tous les enfants. Ceux qui ne feront pas d’études laissent un petit bout de leur cagnotte aux enfants qui seront plus studieux.

Mais au fil des ans, de moins en moins d’enfants parvenaient à obtenir le maximum de bourses. Dans certains cas, Universitas était obligée de retourner les généreuses subventions gouvernementales parce que ses propres critères étaient plus restrictifs que ceux d’Ottawa et de Québec. Ça dérangeait l’État.

Tout cela a poussé Universitas à assouplir ses règles. Désormais, il faut être inscrit à un programme postsecondaire durant 13 semaines pour avoir droit à la totalité des bourses, alors qu’il fallait 3 années d’études auparavant.

Ce changement a permis de conserver 20 millions de dollars de subventions dans les coffres d’Universitas en 2018. Les changements étaient donc souhaitables pour l’ensemble des étudiants. Mais ils étaient très désavantageux pour une minorité d’étudiants qui ont vu fondre leur bourse de plusieurs milliers de dollars, car ils doivent maintenant partager avec un plus grand nombre.

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Pour atténuer les pertes des clients les plus touchés, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a exigé qu’Universitas débloque 1 million de dollars. De son propre chef, la firme de Québec a haussé cette enveloppe à 1,5 million, en allant au maximum de sa capacité.

« Il serait simple, et simpliste, de diviser le million et demi entre les 18 000 réclamants — 80 $ par personne — sans se soucier de la situation particulière de chacun et chacune », écrit le juge à la retraite Paul Vézina. Universitas lui avait confié la tâche ingrate d’établir des critères afin de partager une tarte trop petite pour assouvir tous les appétits.

Au lieu de saupoudrer des sommes insignifiantes, il a réservé de plus gros morceaux aux familles qui en ont davantage besoin, écartant ainsi cinq réclamations sur six. Au bout du compte, seulement 3000 réclamants auront droit à une somme variant entre 300 $ et 5200 $.

Le juge a accordé davantage aux familles nombreuses et moins nanties où les enfants risquent davantage de décrocher à cause du manque de fonds.

Cette redistribution sociale ne fait pas partie de la mission première des REEE d’Universitas, mais puisqu’il s’agit de mesures d’« atténuation » et non de « compensation », on peut comprendre.

Le juge a aussi favorisé les enfants qui demeurent loin de l’université, pour tenir compte des coûts d’hébergement qui gonflent la facture. Un critère raisonnable, mais imparfait. « Je vis à Montréal. Mais mon fils a été admis en droit à Ottawa. Moi, je n’ai pas le droit à ça ? », lance Stéphane Vidal, qui s’est vu offrir 300 $, alors que les changements lui ont fait perdre 3000 $.

« Je vais refuser ! assure-t-il. Je n’ai rien à perdre. »

Enfin, le juge a aussi tenu compte de l’âge des enfants, ce qui est logique. La perte est très concrète et mesurable pour les jeunes qui approchent des études postsecondaires. Mais elle reste très hypothétique pour les tout-petits qui ne se rendront peut-être pas à l’université.

Ainsi, les enfants de moins de 14 ans n’ont droit à rien. « En plaçant la barre à 14 ans, ça laisse juste trois ans pour se retourner. Ce n’est pas long », critique Patrick Létourneau, de Cacouna, dont la fille de 13  ans a été exclue. Il s’est quand même vu offrir 500 $ pour sa fille de 17 ans.

« Je pense que je vais finir par accepter, même si je trouve ça très embêtant », dit-il.

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Les parents ont jusqu’au 31 août pour se faire une tête.

Ceux qui acceptent l’offre doivent signer une quittance complète et finale dans laquelle ils renoncent à tout recours futur.

Or, l’Association des souscripteurs et bénéficiaires de REEE collectifs veut intenter une poursuite devant les tribunaux visant à faire annuler les modifications apportées aux plans de bourses Universitas.

Mais la poursuite n’est pas gagnée d’avance quand on sait que l’AMF n’a jamais voulu interdire les changements. Les démarches prendront du temps et coûteront cher en frais d’avocat.

Si jamais le groupe obtient gain de cause, comment Universitas pourra-t-elle annuler les changements, après plusieurs années, et revenir à la case départ comme si de rien n’était ? Ce ne sera pas facile de détricoter tout ça.

J’espère au moins que les vacances ne feront pas en sorte que les familles passeront tout droit et oublieront de réclamer leur dû. Sinon, l’argent retournera dans les coffres d’Universitas.