Le pari est risqué. Leur vie est en danger. Pourtant, les Tibétains qui ont participé au film Ce qu'il reste de nous, paru en 2004, acceptent avec sérénité que le documentaire puisse enfin circuler librement et ce, à quelques jours de l'ouverture des Jeux olympiques de Pékin.

Ainsi, le 5 août, le documentaire sortira pour la première fois en format DVD au Canada et à travers le monde. Il sera aussi diffusé demain sur les ondes de Radio-Canada.

Pourtant, il y a quatre ans, lorsque le film avait été présenté dans le cadre de la Semaine de la critique au Festival de Cannes, Hugo Latulippe, réalisateur du documentaire avec François Prévost, avait affirmé que l'oeuvre ne serait pas présentée à la télé, en vidéo ou en DVD, tant que la Chine ne changerait pas d'attitude envers le Tibet.

Et afin d'éviter le piratage, des règles de sécurité exemplaires avaient entouré la sortie au grand écran de ce documentaire dans lequel la Québécoise d'origine tibétaine Kalsang Dolma retourne dans le pays de ses ancêtres pour livrer à la population un message du dalaï-lama. L'idée était d'assurer la protection des Tibétains - brimés dans leur liberté de parole- qui avaient courageusement accepté d'être filmés alors qu'ils visionnaient, émus, l'allocution de leur chef spirituel, un acte considéré comme criminel aux yeux des autorités chinoises. Le gouvernement chinois appréhende un soulèvement de la population du Tibet qui continue à vouer un culte à son chef en exil.

Dans les cinémas québécois, au début de chaque représentation, il n'était donc pas rare que les sacs des spectateurs soient fouillés. Il était également impossible de se procurer Ce qu'il reste de nous en format DVD. Ces mesures visaient à empêcher que le film soit copié et se retrouve entre les mains des autorités chinoises. Mais la tenue prochaine des Jeux olympiques à Pékin vient changer la donne, car le monde entier aura les yeux rivés sur la Chine. «On a de fortes raisons de penser qu'il y a plus d'avantages de sortir le film que de garder le silence, a déclaré Hugo Latulippe, en entrevue avec La Presse. Le silence, c'est ce qui a nui au Tibet pendant 50 ans.»

Les réalisateurs du film y voient donc là une bonne façon de faire connaître la cause tibétaine. «Aux Olympiques, le spotlight médiatique va être sur la Chine, ajoute François Prévost. La Chine ne pourra plus maintenir le même degré de contrôle. De plus en plus de gens en viennent à connaître la réalité des Tibétains. Je suis certain qu'à partir de la semaine prochaine, la Chine ne sera plus la même.»