Un plateau de tournage sans gobelets de café en styromousse, sans en-cas à volonté et sans bouteilles d'eau en plastique? Barbara Shrier en a longtemps rêvé. Pendant le tournage de The Year Dolly Parton Was My Mom, la productrice a imposé une étiquette bien particulière: celle du plateau vert.

C'est un plateau de tournage discret, installé dans une maison de Saint-Lambert. Seul un gros camion garé dans la rue laisse deviner la présence d'une équipe de cinéma. Produit par Palomar Films (Un été sans point ni coup sûr), The Year Dolly Parton Was My Mom est le premier film de la réalisatrice Tara Johns, et il met en scène Macha Grenon en mère de famille très sixties.

C'est la première fois que la comédienne participe à un tournage vert, mais Macha Grenon n'est pas trop dépaysée: bien des petits gestes écologiques lui sont maintenant naturels. «Ma tasse, je l'apporte depuis des années. Ça fait longtemps aussi que j'ai éliminé la bouteille d'eau de ma vie et que je prends ma propre bouteille. Par contre, c'est la première fois que je suis sur un plateau et que c'est interdit. Je trouve cela formidable.»

Bien des choses sont en effet interdites sur ce plateau qui se veut vert: les emballages individuels de nourriture, le gaspillage des en-cas, les bouteilles de plastique, mais aussi les copies miniatures (les «réductions») du scénario qui sont habituellement remises aux membres de l'équipe chaque matin, ou les plans pour se rendre aux lieux de tournage, qui étaient ordinairement donnés tous les matins.

«C'est beaucoup de choses à imposer», concède Barbara Shrier. L'idée de limiter le gaspillage sur les plateaux de tournage trottait depuis longtemps dans la tête de cette productrice «verte» dans la vie. «J'ai passé sept ans à verdir une cour d'école», dit-elle en référence au projet Comités cours vertes, dans lequel elle s'est investie.

C'est en 2007, sur le plateau d'Un été sans point ni coup sûr, de Francis Leclerc, que Barbara Shrier a pour la première fois imposé des normes vertes. Ainsi, les décors bâtis pour le film étaient réutilisés, puis recyclés à la fin du tournage; la peinture utilisée pour les décors était recyclée.

Pour The Year Dolly Parton Was My Mom, les choses ont été moins aisées en raison de la courte période de préproduction et surtout de la durée du tournage montréalais: trois semaines seulement (le reste du film est tourné à Winnipeg). «C'était plus compliqué et, chaque fois, c'est trois pas en avant, trois pas en arrière.»

Qu'à cela ne tienne: Barbara Shrier a tout de même mis en branle son plan vert, suscitant un peu de grogne au passage. «J'avais vraiment un doute sur l'absence de «réductions». J'aime avoir cet outil», dit Martin Gauthier, accessoiriste. Il estime tout de même que l'on peut s'habituer à bien des changements, et il prévoit même garder quelques réflexes verts pour ses futurs tournages.

C'est aussi le cas de la cantinière Solange Drouin, chargée par la production de mitonner des repas principalement faits à base de produits locaux. Cette commande inédite, plus chère, a finalement fait ses preuves, selon elle. «Je commence la semaine prochaine le tournage de Malenfant (une minisérie signée Ricardo Trogi) et je leur ai proposé la même chose: ça a été accepté», se réjouit Solange Godin.

Un tournage vert ne permet pas d'économiser sur les frais de production, estime Barbara Shrier. «Ça coûte plus cher: la cantine coûte plus cher, je rembourse les frais d'essence pour le covoiturage. Ça me fait flipper quand on dit que c'est pour sauver de l'argent!» confie-t-elle.

Malgré tout, le pli vert se prend de plus en plus sur les plateaux québécois. «Ça commence», juge Pierre Bertrand, preneur de son. Les piles rechargeables ont remplacé les piles jetables sur les plateaux. «C'est vraiment une amélioration», juge-t-il.