Même s'il était «inquiet» de se retrouver en compétition officielle dans un festival de films américain, le réalisateur québécois Sébastien Pilote a fini par réaliser qu'au fond, il débarquait en Utah avec un film qui dépeint l'«American Way of Life»... avec comme trame de fond les mélodies d'un pur produit du terroir québécois: Pierre Lapointe.

Le premier long métrage de Sébastien Pilote est le seul film québécois à avoir été sélectionné en compétition officielle au Festival de films de Sundance, où il sera présenté en grande première le 21 janvier.

L'inquiétude s'est tout de même légèrement dissipée puisque les six représentations qui sont prévues à Sundance affichent complet, a confirmé le réalisateur à La Presse Canadienne quelques heures avant de partir à la conquête de l'Ouest.

Le film Le vendeur gravite essentiellement autour d'un personnage, le vendeur d'automobiles Marcel Lévesque (Gilbert Sicotte), qui travaille dans une ville de région monoindustrielle sous le choc d'une fermeture indéterminée de l'usine de pâtes et papiers.

«On est avec Marcel Lévesque dans 99 pour cent des plans. Un peu comme dans The Wrestler, de Darren Aronofsky. Il n'y a pas deux points de vue», a expliqué le réalisateur.

Le vendeur a été tourné dans la ville de Dolbeau-Mistassini, qui a elle-même été confrontée à une telle situation dans le passé. La réalité a donc «un peu dépassé la fiction», a expliqué le réalisateur, lui-même originaire du village de Saint-Ambroise, près de Chicoutimi. «Quand on vit en région éloignée dans une ville qui se construit autour d'une seule compagnie, les fermetures d'usine comme ça ont un impact différent. Je voulais voir cela avec le regard d'un vendeur.»

Lorsqu'il a su que son film voyagerait jusqu'à Sundance, Sébastien Pilote était «heureux, mais inquiet» puisqu'il estime posséder une culture cinématographique plutôt européenne. Mais en même temps, au dire même du cinéaste, il y a quelque chose de «très américain» dans le long métrage - l'«American Way of Life».

«Quand je tournais le film, j'avais parfois l'impression de tourner un «western», mais j'ai transformé le désert en un désert neigeux (...) Côté musique, le réflexe naturel aurait été de mettre du bluegrass ou du western, mais je voulais aller à l'opposé», fait remarquer le réalisateur.

Sébastien Pilote s'est alors souvenu d'un repas qu'il avait partagé avec le chanteur Pierre Lapointe. «Il m'avait dit de lui faire signe si j'avais besoin de lui. Ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd.»

Le chanteur a accepté de relever le défi en compagnie de l'un de ses collaborateurs, Philippe Brault.

Malgré tout, Pierre Lapointe craignait de se retrouver «dans un contexte où le réalisateur allait monter son truc et me demander de faire un pastiche pour telle ou telle scène.» Or, c'est tout le contraire qui s'est passé.

«On a bâti ensemble une trame sonore, en fait. Il m'a raconté le film et je me suis imprégné de ça. Ensuite, je suis rentré chez moi pour composer, je lui ai envoyé une quinzaine de petites mélodies de 30 secondes et je lui ai dit de piger là-dedans.» Sébastien Pilote en a sélectionné trois ou quatre, que le chanteur a peaufinées en compagnie de Philippe Brault. Elles ont pris forme au fur et à mesure que les deux hommes discutaient et qu'ils évaluaient la concordance entre la musique et les scènes du long métrage.

«La musique s'est tissée au même moment où l'image et le montage se tissaient. Pour moi, c'est ce que devrait être une musique de film», a indiqué Pierre Lapointe.

Le vendeur doit prendre l'affiche au Québec en septembre 2011 - et pas avant, parce que ce n'est pas vraiment un film estival, a conclu Sébastien Pilote. Son distributeur international, Entertainment One Films (eone), est le même qu'«Incendies», du réalisateur Denis Villeneuve, qui sera également présenté à Sundance, mais dans un volet non compétitif.