(Cannes) Le cinéaste ukrainien Sergei Loznitsa, venu présenter mardi sur la Croisette son nouveau film, a manifesté son opposition au boycottage des artistes russes en raison de leur nationalité, malgré la « dévastatrice » invasion russe en Ukraine, lors d’un entretien à l’AFP.

L’habitué de Cannes avec des films comme Maïdan, sur la révolution ukrainienne, ou Donbass, se démarque de nombre de ses compatriotes. Il a été écarté de l’Académie cinématographique d’Ukraine en mars pour avoir refusé de mettre tous les artistes russes dans le même panier.

Décider qui sont les bons et les mauvais est « grotesque », a affirmé le réalisateur, venu présenter The Natural History of Destruction, un documentaire sur la destruction des villes allemandes par les Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale.

« Cette attitude est inhumaine ». « Comment définissez-vous le concept de russe ? Êtes-vous Russe en raison de votre passeport, de votre citoyenneté ? De votre ethnie ? C’est une pente glissante », a-t-il lancé.

« Je suis fermement convaincu qu’on doit juger les gens sur leurs déclarations, leurs actions individuelles et non en fonction de leurs passeports. Chaque cas individuel doit être jugé sur ses propres mérites ».

Certaines voix se sont élevées contre la présence du Russe Kirill Serebrennikov, en compétition au 75e Festival de Cannes, avec son film La femme de Tchaïkovski. En rupture avec le régime, le réalisateur et metteur en scène de théâtre vit désormais à Berlin où il s’est installé depuis l’invasion russe en Ukraine.

Même s’il a condamné la guerre, certaines personnalités ukrainiennes du 7e art lui reprochent d’avoir accepté des financements de l’oligarque russe Roman Abramovitch.

« On me pose la question du rôle d’Abramovitch qui détient un des fonds qui a financé mon film. Abramovitch, c’est quelqu’un qui a beaucoup aidé les projets d’art contemporain, les ONG […] et c’est quelqu’un qui a été dans les négociations entre l’Ukraine et la Russie », a-t-il expliqué récemment à l’AFP.

À la suite de l’invasion russe en Ukraine, le Festival de Cannes avait décidé de ne pas accueillir de représentation officielle russe ni de Russes qui défendent la ligne du Kremlin au sujet de l’Ukraine.

Mais, son délégué général Thierry Frémaux avait défendu l’idée d’accueillir des dissidents russes : « il y a des Russes artistes, journalistes, qui ont quitté la Russie. Kirill Serebrennikov est un homme qui a considéré que s’il ne quittait pas la Russie, il se rendait complice de cette guerre ».