Pendant des années, l’actrice montréalaise Erika Rosenbaum a porté un « secret » qu’elle croyait être uniquement sien.

Mais à l’automne 2017, elle a découvert que sa lutte privée était peut-être partagée par un certain nombre de femmes, qui accusaient le producteur hollywoodien Harvey Weinstein de harcèlement sexuel et d’agression.

Et c’est ainsi, dit-elle, qu’elle est s’est jointe à un groupe de femmes qui ont contribué à stimuler le mouvement #metoo (#moiaussi).

Alors que 12 jurés se préparent à délibérer mardi sur le sort juridique d’Harvey Weinstein dans un palais de justice de New York, Erika Rosenbaum affirme qu’elle et les autres « briseuses de silence » se sont regroupées comme une force pour la justice, qui transcendera tout verdict contre l’homme qui les a réunies.

« J’ai vraiment l’impression que nous, en tant que communauté de femmes et en tant que communauté de survivantes, avons changé la donne », a confié l’actrice de 39 ans. « Ma vulnérabilité est devenue une force incroyable. »

Comme de nombreux aspirants acteurs, Erika Rosenbaum a confié qu’elle était habitée d’une « confiance irrationnelle » lorsqu’elle est débarquée à Hollywood.

Dès l’âge de 19 ans, elle a fait des allers-retours entre Los Angeles et son Montréal natal pour passer des auditions afin de convaincre les magnats du divertissement qu’elle était « la prochaine grande star ».

Quand elle a rencontré Harvey Weinstein dans une fête, au début de la vingtaine, elle affirme s’être sentie comme si quelqu’un validait sa vision pour la première fois.

En public, le producteur n’en avait que pour les affaires, et il avait de grands projets pour elle, se souvient Erika Rosenbaum, qui se rappelle qu’Harvey Weinstein lui avait dit qu’elle était la « prochaine Sandra Bullock », car elle savait comme elle donner dans la comédie autant que dans le drame.

« Quand je l’ai rencontré, c’était comme si quelqu’un me voyait enfin. Quelqu’un voit enfin ce que je vois », a expliqué Erika Rosenbaum. « Ce qui a été doublement difficile dans ce qui s’est passé derrière des portes closes est que, tout d’un coup, cette idée que vous aviez de vous-même est brisée. »

Erika Rosenbaum affirme qu’Harvey Weinstein lui a fait des avances sexuelles agressives lors de trois réunions distinctes, il y a environ 15 ans.

Elle raconte que lors de leur troisième rencontre — dans une chambre d’hôtel pendant le Festival international du film de Toronto au milieu des années 2000 — Harvey Weinstein l’a tenue par la nuque et s’est masturbé en se tenant derrière elle.

Harvey Weinstein a nié à plusieurs reprises tout acte répréhensible, affirmant que toute activité sexuelle était consensuelle.

De retour à temps plein à Montréal, Erika Rosenbaum a trouvé la guérison auprès de son mari et de leurs quatre enfants.

Bien qu’elle n’ait jamais abandonné ses ambitions d’actrice, elle dit avoir essayé de mettre son expérience hollywoodienne derrière elle.

Mais en octobre 2017, tout lui est revenu lorsqu’elle a vu les accusations contre Harvey Weinstein faire la une des journaux.

Erika Rosenbaum a dit qu’elle n’avait jamais prévu parler à qui que ce soit de ce qu’elle avait vécu, car elle se sentait « complice » : elle ne l’a pas frappé ; elle ne l’a pas dénoncé à la police ; elle a essayé d’« être gentille » pour le bien de sa carrière, dit-elle.

Mais en voyant toutes ces actrices populaires mettre leur carrière en jeu alors qu’elles avaient « beaucoup plus à perdre », selon elle, elle a eu l’impression que ce qu’elle considérait comme une « faiblesse » personnelle s’était transformé en une source de force collective.

À la veille du procès pénal d’Harvey Weinstein, Erika Rosenbaum faisait partie d’une vingtaine de « briseuses de silence » qui ont juré dans une déclaration qu’elles « continueraient à s’exprimer jusqu’à ce que cet agresseur impénitent soit traduit en justice ».

Le producteur déchu a plaidé non coupable à des accusations liées au viol d’une femme dans une chambre d’hôtel à Manhattan en 2013 et à de la violence sexuelle sur une autre femme en 2006.

Bien qu’elle ait choisi de ne pas poursuivre le producteur en justice, Erika Rosenbaum a déclaré qu’elle soutiendrait les femmes qui l’ont fait de toutes les manières possible.

Parallèlement, elle et d’autres « briseuses de silence » travaillent à l’extérieur des tribunaux pour créer un monde plus équitable pour les femmes grâce à différentes initiatives.

L’actrice montréalaise se porte également volontaire pour parler aux étudiants et aux jeunes du consentement et des relations sexuelles respectueuses.

« Quel que soit le résultat (du cas de Weinstein), j’ai l’impression que le mouvement ne pourra plus s’arrêter », a-t-elle déclaré. « Ce mouvement principalement formé de femmes qui défendent des femmes. »