Ce pays a produit, en 2006, plus de 6 millions de véhicules et cherche naturellement de nouveaux débouchés; de nouveaux partenaires aussi. Histoire de mettre la table, un sondage récent nous apprend que le quart des Canadiens serait intéressé à acheter une voiture chinoise pour 10 000$. Voilà qui doit rassurer Chrysler, qui s'apprête à commercialiser sur nos terres la première sous-compacte Made in China. Doit-on déjà en rêver?

Ce pays a produit, en 2006, plus de 6 millions de véhicules et cherche naturellement de nouveaux débouchés; de nouveaux partenaires aussi. Histoire de mettre la table, un sondage récent nous apprend que le quart des Canadiens serait intéressé à acheter une voiture chinoise pour 10 000$. Voilà qui doit rassurer Chrysler, qui s'apprête à commercialiser sur nos terres la première sous-compacte Made in China. Doit-on déjà en rêver?

Regardons de plus près ce sondage réalisé le mois dernier par la Presse Canadienne/Centre de recherche Décima. Parmi les répondants de l'enquête, 21% ont affirmé qu'ils achèteraient probablement une telle voiture, et 4% ont déclaré qu'ils en achèteraient certainement une. On apprend aussi, après répartition territoriale, que les répondants québécois sont les plus susceptibles de se laisser tenter par l'aubaine. En effet, 43% des répondants disent qu'ils sont susceptibles ou certains de se procurer un véhicule venu de l'empire du Milieu. C'est énorme.

Si cela vous désole de savoir que les européens sont plus méfiants que vous à l'égard des créations du Dragon, consolez-vous alors à l'idée que les Américains sont, eux aussi, partagés sur la question. Selon un sondage du portail Internet AOL réalisé lors du salon automobile de Detroit, en janvier dernier, les consommateurs envisagent à égalité d'acheter ou de boycotter une voiture chinoise.

Revenons au sondage canadien. Le plus étonnant est de constater que la moitié des répondants (le reste du Canada compris) ont déclaré que la voiture chinoise serait d'aussi bonne qualité - voire meilleure - que les modèles nord-américains. D'accord, une telle réponse reflète le peu d'estime que vous avez pour les voitures produites en Amérique du Nord, mais elle indique également que vous n'êtes pas des consommateurs très avertis. Au fait, avez-vous déjà vu une automobile chinoise de près? Non. Avez-vous déjà parcouru sa fiche technique? Non plus. Alors comment pouvez-vous témoigner de sa qualité, de sa fiabilité ou encore de sa sécurité?

Les résultats de ce sondage m'inquiètent. Je vous croyais plus avertis. Plus suspicieux aussi. Vos réponses indiquent clairement que vous ne craignez pas que le service après-vente soit insuffisant, que la fiabilité ne soit pas au rendez-vous ou que la cellule de survie du véhicule soit suffisamment sûre en cas d'impact. Sans doute avez-vous été obnubilés par le prix, comme vous et moi l'avons été il y a un peu plus de 20 ans, en voyant débarquer les 1500S (Lada), Rapid (Skoda), 1310 (Dacia) sur nos routes. Fort de cette (mauvaise) expérience, n'êtes-vous pas plus méfiants ou avez-vous tout simplement oublié? On n'achète pas une voiture comme une chemise ou un jouet en plastique, même si son prix est moindre que celui d'un modèle américain, japonais ou européen.

Une percée des Chinois sur le marché nord-américain n'est pas attendue avant trois à cinq ans, le temps de développer une gamme compétitive de produits et un réseau de distribution. D'ici là, les choses pourraient changer très rapidement. Souvenons-nous des constructeurs japonais. Ils se trouvaient, dans les années 60, dans une situation plus avantageuse techniquement que les Chinois aujourd'hui. Ils ont mis 40 ans à se faire accepter puis à construire une image de marque qui leur appartienne. On connaît la suite. À l'aide d'une technique mieux affirmée et une politique de qualité rigoureuse, les meilleurs japonais ont eu la reconnaissance du marché.

Trente ans après eux, les Coréens ont reproduit le même scénario, mais ils ont mis beaucoup moins de temps à s'imposer. On voit donc ce qui attend les Chinois, qui maîtrisent la fabrication de voitures simples, mais ne savent pas encore les inventer. Parions que cela viendra bien assez vite grâce à la stratégie d'alliances développée par les autorités chinoises et qui obligent les marques étrangères (GM, Volkswagen, Toyota, etc.) à établir des partenariats à parité avec les marques locales. Personne n'est dupe. Pour les entreprises automobiles chinoises, cette stratégie d'alliances leur permet de capter le savoir-faire de leurs partenaires, de bénéficier d'un afflux de capitaux considérable et d'encaisser des dividendes.

Bref, cela leur permet d'apprendre très très vite et il me tarde, comme vous, de voir la future A1 du constructeur chinois Chery que Chrysler distribuera sous sa bannière l'an prochain pour environ 10 000$. Je ne crois pas que je lui ferai une place dans mon garage, mais soyez assuré que j'irai lui rendre visite. Et vous?

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