«Cette admirable sculpture sur roues, l'une des grandes créations de Giorgetto Giugiaro, s'inscrit parmi les plus belles voitures grand tourisme de la deuxième moitié du XXe siècle», avons-nous écrit en 2005 au sujet de la De Tomaso Mangusta. Et nous avons conclu: «La Mangusta plaît à Henry Ford II, mais on lui recommande plutôt de miser sur une future création de De Tomaso, la Pantera. Mais ça, c'est une autre histoire.»

Eh bien! Nous y sommes, à cette «autre histoire», celle de la Pantera, l'italo-américaine qui devait permettre à Ford de faire ombrage à la Chevrolet Corvette. Mais pourquoi miser sur une création italienne alors qu'il ne manque pas aux États-Unis d'ingénieurs de talent? Serait-ce une fascination pour les voitures sport italiennes de la part de Henry Ford - dont la femme, Christina Vettore, est d'origine italienne - ou une tentative de se venger de la volte-face du Commendatore alors que Ford s'apprêtait à prendre le contrôle de Ferrari? Un peu des deux sans doute, le résultat étant que Dearborn s'attaque à Maranello et à la Corvette par le biais de la Pantera.

D'Argentine à l'Italie

Mais qui est De Tomaso? Alejandro De Tomaso est né en Argentine en 1928. Ce fils de famille riche de descendance italienne est «invité» à quitter l'Argentine pour avoir osé se prononcer contre le dictateur Juan Perón. Il se réfugie en Italie, où il s'engage comme pilote de course et épouse la riche et jolie Isabelle Haskell, une Américaine éprise de sport automobile.

Sans véritable succès en piste, De Tomaso abandonne la carrière de pilote pour passer à celle de constructeur. En 1959, Isabelle et Alejandro fondent De Tomaso Automobili, à Modène. La première voiture de route, baptisée Vallelunga, est suivie par la divine Mangusta, dessinée par le jeune Giorgetto Giugiaro. Pour propulser la belle, De Tomaso retient les services du robuste et performant V8 Ford de 4,7 litres (289 po3) et 305 chevaux.

Une voiture mondiale

Séduisante à souhait, la Mangusta retient l'attention de Henry Ford II, qui consent à attendre la future Pantera que lui promet De Tomaso. Dévoilée en 1970 au Salon de New York, la Pantera est signée Tom Tjaarda, un styliste américain, et conçue par deux ingénieurs de talent, Gianpaolo Dallara (ex-Lamborghini) et Aurelio Bertocchi (ex-Maserati). Moins fluide que la Mangusta, la Pantera se distingue par une carrosserie aux lignes acérées et agressives fabriquée à Turin par Vignale. Le V8 Ford Cleveland de 5,7 litres (351 po3) est logé en position centrale arrière et associé à une boîte ZF à cinq vitesses d'origine allemande. Les freins à disque Girling et la direction proviennent de Grande-Bretagne et les pneus Michelin de France. En somme, une voiture véritablement mondiale, un label qui n'était pas sans plaire à Henry Ford.

Malgré un poids assez imposant (1400 kg) et grâce «aux poumons» bien développés de son V8 Ford, la Pantera rivalise en performances avec la Corvette et ses concurrentes italiennes pure laine.

Enfin, une Pantera pure

Rétroviseur cherchait une Pantera «pure» depuis belle lurette, mais ces modèles de première génération sont plutôt rares dans leur état d'origine, supplantés par la «Pantera aux stéroïdes» qu'est la version GTS lancée en Europe dès 1973.

Si elles impressionnent par leurs renflements et leur immense aileron, les GTS «à la Rambo» sont plutôt grotesques lorsqu'on les compare à la finesse et à la beauté esthétique de l'originale, que j'ai eu le plaisir de découvrir au récent Concours d'élégance de Chambly.

Alain Trottier, président de Monette Sports, détaillant de motos à Laval, est amateur de belle mécanique. Cet ex-pilote de motoneige a découvert sa Pantera il y a déjà 26 ans à Acton Vale, chez un concessionnaire Ford.

Tristounette dans sa robe grise, la Pantera a subi une restauration esthétique et mécanique au courant de l'hiver et est ressortie habillée d'un rouge convenablement italien. «C'est d'ailleurs à cette époque que j'ai rencontré ma femme Lyne, qui me tenait patiemment compagnie dans le garage pendant que je restaurais la Pantera. J'ai même voulu vendre la voiture il y a quelques années, mais Lyne a refusé catégoriquement! Elle a eu raison, car depuis lors, j'ai vraiment repris goût à cette voiture.»

Boudées à une époque, en partie à cause des hot-rod disgracieux que sont devenues les GTS, les Pantera d'origine reviennent à l'avant-scène du monde de la voiture classique, sans doute sous l'effet combiné de leur charme italien, de leurs performances de muscle car, de leur prix encore relativement abordable et de la disponibilité des pièces de rechange. «C'est ma première folie et je la garde», conclut Alain Trottier. Tant mieux pour vous!