Comme je commençais à rédiger cette chronique sur la Lancia Lambda, je me suis souvenu de ma surprise à la vue du nombre de Lancia sélectionnées dans le groupe des 100 voitures les plus marquantes du XXe siècle.

Vérification faite, Lancia détient le record avec six mentions, la première dans l'ordre chronologique étant la révolutionnaire Lambda. Voici son histoire.

Le comptable devenu constructeur

Vincenzo Lancia (1881-1937) commence sa vie professionnelle comme comptable, emploi qu'il abandonne rapidement pour devenir pilote d'essai et de course chez Fiat. Riche de cette expérience et souhaitant faire bien les choses, Lancia s'efforce de réunir les fonds nécessaires pour lancer sa propre entreprise en 1906. Son premier modèle, la 12 HP, témoigne déjà du souci du détail et de la technologie de Lancia. Il porte un intérêt particulier aux moteurs en V, car cette configuration autorise un format très compact. Dès 1919, Lancia dévoile un 12 cylindres en V de 50 chevaux, suivi trois ans plus tard d'un V8 à arbres à cames en tête qui anime son modèle Trikappa. Sa réputation d'innovateur étant déjà bien établie, Lancia présente au Salon de Paris de 1922 celle qui deviendra son plus grand chef-d'oeuvre mécanique: la Lambda.

Inspiré par la construction navale

Propulsée par un V4 de 2,1 litres dérivé du V8 de la Trikappa, la Lambda innove à plus d'un titre. Outre ce moteur extrêmement compact qui produit déjà 50 chevaux, la Lambda reçoit une suspension indépendante à l'avant - du jamais vu en grande série - et une structure monocoque. On dit que Lancia était particulièrement impressionné par la rigidité remarquable que l'on réalisait en construction navale en soudant à la charpente du navire les panneaux métalliques formant la coque.

L'ensemble monobloc ainsi obtenu est léger et il assure une très grande rigidité, une technique d'ailleurs reprise en aviation et aujourd'hui généralisée dans le monde de l'automobile (mais non dans celui du camion).

La Lancia Lambda fait immédiatement les manchettes tant pour ses innovations que pour son comportement routier hors de l'ordinaire. Basse, légère et rigide, la Lambda séduit par son agilité, qui lui permet sur la route de damer le pion à de véritables voitures sport. Pour une «torpédo» quatre portes et quatre places avec toit en toile, c'est tout simplement révolutionnaire.

Construite pendant neuf ans à plus de 13 000 unités, la Lambda permet à Lancia de se joindre au club des constructeurs en grande série. Au fil des ans, la Lambda évolue sans perdre ses qualités d'origine. Le moteur passe à 2,3 puis à 2,5 litres et est associé à une boîte à quatre vitesses, tandis que l'empattement progresse de 35 cm. La petite torpédo se transforme ainsi en élégante voiture de grand tourisme et même la célèbre structure monocoque est remplacée par une plateforme extrarigide, mais qui permet aux carrossiers d'habiller la Lambda aux goûts de ses propriétaires plutôt qu'au seul choix du constructeur.

Malgré sa passion pour la course automobile, Vincenzo Lancia résiste à la tentation de lancer ses voitures en compétition. Mais il cède finalement, en 1927, à la création de la célèbre épreuve routière des Mille Miglia. Cette année-là, quelques Lambda préparées pour la course s'inscrivent à l'épreuve. L'une d'elles termine quatrième; ce résultat est suivi d'une troisième place en 1928 et d'une quatrième en 1929. Pas mal pour une voiture de série qui affronte d'impressionnants bolides de course.

Chez un vendeur d'occasion

La Lambda que vous voyez ici a été l'une des rares vendues aux États-Unis en 1925. Son premier propriétaire l'a achetée chez le concessionnaire Lancia de New York et s'en est servi pendant des années dans le Maine. Le deuxième propriétaire l'a trouvée en 1959 chez un vendeur de voitures d'occasion (la belle occasion!) et l'a conservée jusqu'en 2007, date à laquelle elle est passée aux mains de George Dragone, de Bridgeport, au Connecticut. Entièrement restaurée, cette Lancia Lambda est un bijou qui témoigne de l'excellence technique de cette marque plus que centenaire, qui a connu des années de gloire en course et en rallye automobile. Appartenant depuis 1969 au groupe Fiat, Lancia s'efforce aujourd'hui de renaître de ses cendres à l'instar d'Alfa Romeo, de Maserati et de Fiat. Souhaitons-lui que le début du XXIe siècle lui réussisse aussi bien que le début du XXe.

Un autre souhait en terminant: si vous savez où on peut trouver une Lancia Stratos, faites-moi signe! Elle mérite aussi une chronique.