Pour permettre à la voiture électrique de circuler tous les jours, deux types de réseaux devront être opérationnels: celui des bornes de recharge et celui de l'alimentation électrique. La question se pose: sont-ils prêts?

Hydro-Québec affirme depuis deux ans que son réseau pourrait recevoir dès maintenant un million de véhicules électriques, ce qui représenterait un véhicule sur six au Québec. Mais sa capacité à recevoir les véhicules de demain ne se résume pas à cette simple équation.

Un million de voitures électriques, c'est trois térawatts-heure (TWh) consommés au Québec, selon l'évaluation d'Hydro-Québec. Soit 2% de la consommation annuelle d'énergie électrique dans la province. Le gouvernement du Québec souhaite qu'il y ait 350 000 véhicules électriques sur les routes d'ici 2020 et 1,2 million d'ici 2030. Dans la mesure où l'offre de véhicules sera progressive, la société d'État a le temps de voir venir. Dans l'immédiat, elle soutient que l'impact serait mineur sur le réseau de distribution et presque inexistant sur le plan financier. Mais encore faut-il planifier.

De plus en plus de voitures électriques sont attendues sur les routes. Le réseau suffira-t-il au moment d'un pic de consommation par grand froid ou pendant les plages horaires où la demande est la plus forte? «Absolument, car la recharge va se faire la nuit. L'enjeu majeur sera autour de 17h, au retour à la maison», croit fermement Sylvain Castonguay, directeur technique au Centre national du transport avancé (CNTA).

«Au Québec, le pic de consommation en hiver est surtout atteint à 8h le matin», précise Angelo Giumento, ingénieur chez Hydro-Québec Distribution. Autrement dit, en dehors des heures de recharge auxquelles on peut s'attendre.

Gérer la demande

En fin de compte, on peut imaginer que la production d'électricité devra être plus importante. «Le réseau est capable de soutenir cette charge excédentaire» que représentent les véhicules électriques, affirme M. Giumento.

Pour limiter les besoins de puissance, il faudra obliger le consommateur à recharger au beau milieu de la nuit. Ce qui n'apparaît pas comme une contrainte pour l'industrie automobile qui a déjà anticipé cet obstacle en permettant de programmer la recharge. Hydro-Québec et le CNTA parient que plus de 80% de la recharge se fera à domicile.

Cela apparaît d'autant plus vrai que dans les lieux publics, la recharge sera tarifée. Car il faudra bien que ces véhicules soient rechargés de jour. Le gouvernement du Québec mettra en place dans le courant de l'hiver prochain le premier réseau public de bornes de recharge au Canada. Elles seront accessibles dans les stationnements des établissements Rona, Metro et St-Hubert, ainsi que dans ceux des installations de l'AMT. Ces «partenaires» choisiront eux-mêmes les emplacements des 120 bornes disséminées graduellement dans les régions de Montréal et de Québec. Ces bornes serviront d'appoint. En une heure de recharge, on obtiendra l'équivalent de 25 km d'autonomie à un coût forfaitaire de 2$. On peut l'obtenir pour 40 cents à la maison.

«Le rythme de déploiement suivra par la suite celui de l'arrivée des véhicules électriques sur nos routes et leur répartition sur le territoire. D'autres emplacements pourraient donc sajouter. À terme, il y aura certainement des bornes rapides dans des haltes routières», explique Hélène Laurin, attachée de presse d'Hydro-Québec.

Les résidants d'un triplex au centre-ville n'ont par contre pas de réponse au problème de raccordement de la voiture à une prise électrique. Le propriétaire d'un condo au troisième étage qui ne possède pas de stationnement dans sa ruelle devra y penser à deux fois avant d'acheter une voiture électrique.

Chère, l'infrastructure?

Régler la consommation dans des lieux publics et privés, surtout en période de pointe, passera par une gestion «intelligente» de l'offre et de la demande d'électricité. Techniquement, les bornes peuvent communiquer entre elles et avec le réseau. Mais cette évolution se conjugue pour l'instant au futur. «Cela coûte cher de faire de la gestion de réseau. Ce n'est pas une mesure gratuite», avertit Angelo Giumento.

«Il y a un intérêt un peu partout en Amérique du Nord dans le marché des opérateurs de réseaux pour cette technologie. L'horizon 2020 est envisagé pour l'utilisation et le déploiement d'un réseau intelligent compte tenu de tous les enjeux», ajoute Hélène Laurin.

La société d'État ne se prononce pas sur les investissements nécessaires au déploiement d'un réseau de recharge. «Nous sommes actuellement en appel d'offres. Nous ne souhaitons donc pas rendre publique une évaluation précise», affirme Hélène Laurin.

«Le plus cher est le volet génie civil, bien au-delà de ce que la borne peut coûter», estime Sylvain Castonguay. Une borne publique, c'est 3000$ à 5000$, selon le modèle. Une borne domiciliaire, environ 700$ maximum. Un raccordement au réseau sur du 240 volts s'élève de 300$ à 1000$ à la maison selon la position du panneau électrique par rapport à la voiture. Dans un lieu public, l'installation de bornes et le raccordement au réseau se feraient au prix de quelques milliers de dollars dans chaque lieu de stationnement.

Le Réseau des ingénieurs du Québec a conseillé, dans un rapport sur la mobilité durable paru l'an dernier, de ne pas «se lancer dans la mise en place de grosses infrastructures de recharge un peu partout au Québec et dépenser des sommes considérables».

Les ingénieurs estiment qu'il vaut mieux pour le moment «cibler des flottes précises d'entreprises ou d'institutions publiques avec des bornes de recharge restreintes aux stationnements des entreprises».

Nous ne sommes qu'aux prémices d'un réseau appelé à devenir tentaculaire. Si émergence de cette technologie automobile il y a.

Les voitures électriques à venir au Canada

Audi R8 E-tron (en 2013-2014)

Fisker Karma* (en 2012)

Ford Focus Electric (en 2013)

Honda Fit Electric (en 2013)

Infiniti EV** (en 2013-2014)

Mitsubishi EVO XI (probable en 2013-2014)

Mitsubishi i-MiEV (en 2011-2012)

Nissan Leaf (en 2011-2012)

Smart fortwo Electric (en 2013-2014)

Toyota RV4 Electric (en 2012-2013)

*Aucun concessionnaire au Québec

**Dérivé de la Nissan Leaf