(Berlin) L’Allemagne va investir 9 milliards d’euros d’argent public pour servir son ambition de devenir le « fournisseur et producteur numéro 1 » d’hydrogène au niveau mondial, dans le cadre d’un plan autant destiné à décarboner son industrie qu’à relancer son économie après la pandémie de COVID-19.

Recherche, infrastructures, capacité de production… Ce programme, adopté mercredi en conseil des ministres, prévoit une enveloppe de 7 milliards pour développer le marché intérieur de l’hydrogène, et 2 milliards pour conclure des « partenariats internationaux ».

« Pour des raisons de compétitivité et surtout pour atteindre nos objectifs climatiques », l’Allemagne veut devenir « numéro 1 », a affirmé le ministre de l’Économie, Peter Altmaier.

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Un véhicule en avitaillement d’hydrogène au Salon de l’auto de Francfort le 13 septembre 2017.

L’un des objectifs du plan : augmenter la capacité de production du pays à près de 5 Gigawatts d’ici 2030, et 10 Gigawatts avant 2040.

L’Allemagne veut développer puis exporter son savoir-faire, afin de développer de « nouveaux marchés » pour les industriels du pays, selon Peter Altmaier.

Énergie « verte »

Ce programme fait partie intégrante de l’immense plan de 130 milliards d’euros annoncé par Berlin la semaine dernière, pour relancer son économie sinistrée par les mesures de restriction destinées à endiguer la pandémie de coronavirus.

L’Allemagne veut consacrer 50 milliards d’euros, soit la moitié du plan, à des « investissements d’avenir » vertueux en matière climatique.

L’hydrogène est considéré comme un moyen d’accompagner la transition énergétique en permettant de stocker à grande échelle de l’électricité et en servant de carburant dans les véhicules électriques, garantissant une meilleure autonomie que les batteries.

Il est aujourd’hui utilisé dans l’industrie, notamment la chimie ou l’acier, mais l’immense majorité est pour l’instant produite avec des énergies fossiles.

Dans son plan, le gouvernement allemand se focalise sur l’hydrogène « verte » produit à partir d’électricité durable (éoliennes, solaires…).

Le conglomérat allemand Thyssenkrupp a annoncé mercredi un partenariat avec le fournisseur d’électricité RWE pour utiliser de l’hydrogène durable dans une de ses aciéries allemandes, à Duisbourg.

Automobile

Mais le principal secteur visé par ce plan reste l’automobile, engagé depuis plusieurs années dans une marche forcée vers la décarbonation, après les multiples scandales liés aux moteurs diesels frauduleux.

L’hydrogène, en stockant l’électricité, peut alimenter en énergie les moteurs des automobiles électriques, dont Berlin veut développer l’usage, pour décarboner son secteur des transports.  

Dans le plan de relance post-pandémie dévoilé début juin, Berlin a ainsi refusé d’accorder une prime à l’achat aux véhicules non électriques, suscitant la colère du secteur.

Le lobby allemand de l’industrie automobile, la VDA, a cette fois-ci salué le plan présenté mercredi, estimant qu’il allait « dans la bonne direction », tout en déplorant un « manque d’ambition et de précision » sur certains points.

Les industriels allemands voient dans les piles à hydrogène dans les voitures, une alternative aux batteries électriques classiques, fabriquées pour la plupart en Chine.

Mi-avril, le constructeur automobile allemand Daimler et son concurrent Volvo ont ainsi annoncé une alliance pour construire des piles à hydrogène pour poids lourds dans le cadre d’une entreprise commune valorisée à 1,2 milliard d’euros.

Mais l’hydrogène pour les transports est encore une niche, sa fabrication reste très énergivore et le réseau de stations-service proposant ce carburant reste très limité.

C’est pourquoi le plan ambitionne de dépenser des fonds dans la recherche et le développement, afin de résoudre ces difficultés.

Berlin compte par ailleurs développer des réseaux de distribution et investir dans les infrastructures de transport.

L’Allemagne n’est pas le seul pays européen à s’intéresser à cette technologie : la France va consacrer 1,5 milliard d’euros de financement public sur trois ans pour « parvenir à un avion neutre en carbone en 2035 » grâce notamment à la propulsion à hydrogène.

Dans un plan adopté en décembre dernier, l’Allemagne s’est fixé l’objectif de diminuer de 55 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à leur niveau de 1990.