« Une maille à l’endroit, une maille à l’envers », chante Diane Diane Dufresne dans Cendrillon au coton. Des mots parfaits pour décrire Belmont, l’étonnant, mais éparpillé, spectacle musical tricoté par le Théâtre de l’Œil Ouvert à partir de l’œuvre de la diva québécoise.

L’idéatrice du projet, adaptatrice et metteuse en scène Jade Bruneau (à qui l’on doit un spectacle sur Clémence DesRochers et sur la Corriveau) propose avec Belmont une véritable virée décomplexée dans l’univers de la plus insoumise des chanteuses québécoises.

Sur scène, cinq femmes toutes de rose vêtues représentent chacune une facette de cette femme multiple qu’est Diane Dufresne. Laur Fugère incarne la petite fille et Catherine Allard, l’artiste. Laetitia Isambert est l’amoureuse, tandis que Geneviève Alarie et Catherine Sénart endossent respectivement les rôles de la folle et de la diva. Finalement, Pierre-Olivier Grondin porte les habits du clown.

Ces interprètes portent avec aplomb et prestance les mots de celle qui a su rassembler les foules, au Stade olympique notamment avec son mégaspectacle Magie rose. On a rendez-vous ici avec six grandes voix, capables de tenir les envolées qu’exige le répertoire de Dufresne. Geneviève Alarie est particulièrement touchante dans son interprétation du Parc Belmont. Catherine Sénart est impériale lorsqu’elle interprète Les adieux d’un sex-symbol.

Il ne faut donc pas regarder du côté de l’interprétation, de la musique livrée sur scène par trois musiciennes ou des costumes magnifiques de Sarah Balleux pour trouver ces mailles à l’envers qui nous ont fait tiquer.

Non, c’est plutôt la structure narrative même de Belmont qui est déroutante et met un certain temps à s’installer dans nos esprits. Jade Bruneau a pigé dans l’ensemble de l’œuvre de Diane Dufresne pour faire le maillage de son spectacle. Ici, les chansons se font écho, s’interpellent et se pourchassent… La metteuse en scène a de plus ajouté ici et là des extraits d’entrevues et du texte original très poétique signé Laurence Régnier.

Le résultat est loin de la revue musicale et plus loin encore du biopic. Jade Bruneau a plutôt décidé de créer une « forme nouvelle » (les mots sont d’elle) pour ce spectacle : une idée audacieuse, mais inaboutie.

Car il faut du temps avant que l’émotion naisse, du temps avant que le public trouve son chemin dans les méandres de ces petits bouts de paroles de chansons semés à tout vent.

PHOTO THIERRY DU BOIS, FOURNIE PAR LE THÉÂTRE DE L’ŒIL OUVERT

Pierre-Olivier Grondin incarne le personnage du clown. Son interprétation de la chanson Que est magistrale, mais sa place dans le spectacle reste floue.

Le personnage énigmatique aux contours flous du clown trouve aussi difficilement sa place dans cette polyphonie féminine. Avec ses habits gris cendre, il semble souvent errer sur la scène, emporté par le déferlement de rose qui jaillit sous nos yeux. Il aime Dufresne, il le dit et on le comprend, mais il tourne en périphérie du cœur battant du spectacle. Au point d’agacer par moments, même si celui qui l’incarne livre une interprétation magistrale de la chanson Que.

L’intensité déployée sur scène par les interprètes (clown compris) est indéniable et force l’admiration. Seulement, les pièces les plus connues de Diane Dufresne mettent du temps à émerger. Et la plupart du temps, les chansons sont morcelées et découpées en petites bouchées. On les voudrait en entier, ne serait-ce que pour se souvenir de leur indéniable beauté.

Heureusement, lorsque ces pièces grandioses s’invitent sur scène pour plus qu’un couplet, on sent la chair de poule parcourir la salle en entier. Et lorsque le spectacle se termine sur une reprise de Tiens-toé ben, j’arrive, on comprend que la parfaite imperfection de ce spectacle est peut-être la meilleure façon de représenter sur scène l’esprit insaisissable et déjanté de cette icône de la chanson québécoise…

Consultez le site du spectacle
Belmont

Belmont

Du Théâtre de l’Œil Ouvert, à partir de l’œuvre de Diane Dufresne

Au Théâtre Alphonse-Desjardins de Repentigny, Jusqu’au 26 août

6,5/10