De Louis II, on a retenu la folie de grandeur et les magnifiques châteaux en Bavière. Pour la postérité, il est resté cet enfant capricieux qui refuse les responsabilités du monde adulte. Dans Châteaux du ciel, une pièce de Marie-Claude Verdier, à l’affiche du Théâtre Denise-Pelletier, on découvre la face cachée d’un roi de cœur.

« La vie est dans les interstices », dit le roi Ludwig (Louis II), au début de la pièce. On a beau retenir les exploits des personnages historiques, le plus intéressant ne figure pas toujours dans le grand livre de l’Histoire.

« Nous sommes ici dans une vérité du cœur et non de faits », prévient l’autrice dans son mot au programme, pour répondre à ceux qui l’interrogeraient quant à l’exactitude historique de son texte. Et de l’émotion, il y en a beaucoup dans cette production finement mise en scène par Claude Poissant. Le spectacle est aussi porté par une solide distribution et une talentueuse équipe de concepteurs. Mentionnons la scénographie épurée d’Odile Gamache ; les éclairages soignés d’Éric Champoux ; et les splendides costumes d’époque de Marc Senécal.

Art romantique

Claude Poissant est sans doute le metteur en scène le plus romantique du milieu du théâtre au Québec. Poissant a déjà dirigé des classiques de Musset, d’Hugo et de Marivaux, un précurseur des romantiques au XVIIIe siècle. D’ailleurs, on a pensé à sa mémorable production du Prince travesti, de Marivaux, au TNM en 1992, en voyant ce drame romantique assez contemporain, bien que l’action se déroule dans la seconde moitié du XIXsiècle.

PHOTO DAVID OSPINA, FOURNIE PAR LE THÉÂTRE DENISE-PELLETIER

Dany Boudreault, Mikhaïl Ahooja et Maxime Genois dans la pièce Châteaux du ciel

Dans Châteaux du ciel, on suit la vie du roi, de son couronnement à 18 ans, jusqu’à sa mort à 40 ans. Ses conflits avec son frère ; sa relation avec son aide de camp et amoureux ; sa dévotion pour le compositeur Richard Wagner ; son rejet de la politique de Bismarck, le chef prussien qui veut annexer la Bavière et unifier l’Allemagne. Aux armes et au sang de la guerre, il préfère l’art et la musique de Wagner.

Mais on est surtout dans le cerveau troublé du roi. Déçu par la mégalomanie et les mensonges de Wagner, trahi par son aide de camp (excellent Mikhaïl Ahooja), séparé de son frère rendu fou par la guerre (Maxime Genois, bouleversant lorsqu’il témoigne de l’horreur des champs de bataille), Ludwig se réfugiera dans son spleen. En laissant les hommes de raison gouverner à sa place. Il plongera dès lors dans une solitude immense. Comme celle de Nelligan et de tous ces grands poètes incompris.

Ludwig est défendu avec énormément d’intelligence et de sensibilité par Dany Boudreault. L’acteur se transforme sur scène d’un acte à l’autre. Il est d’abord ce roi extravagant qui veut commencer son règne « sur le socle de la beauté ». Puis, un rêveur perdu dans son royaume de fantaisie, son monde d’illusions. Et enfin, un homme seul, blessé et abandonné. Hélas, dans la cour des grands, la laideur est plus forte que la beauté.

Consultez le site du Théâtre Denise-Pelletier
Châteaux du ciel

Châteaux du ciel

Texte : Marie-Claude Verdier
Mise en scène : Claude Poisssant
Avec entre autres Dany Boudreault, Mikhaïl Ahooja, Maxime Genois…

Au Théâtre Denise-Pelletier, jusqu’au 15 avril (1 h 50 min sans entracte)

8/10