Marie-Josephte Corriveau, dite « la Corriveau », est une des figures de légende les plus célèbres de l’histoire du Québec. Cet été, elle sera au cœur d’un nouveau spectacle de théâtre musical qui lui est consacré. La Presse en a vu un extrait.

Qui donc est la Corriveau ? Une sorcière au nez crochu qui hante les maris la nuit, ou une femme violentée qui a commis un geste extrême pour sauver ses enfants ? Des créateurs québécois s’inspireront tant de la légende que de la réalité pour leur nouveau spectacle La Corriveau, la soif des corbeaux.

Produite par le Théâtre de l’œil ouvert (qui nous a donné le spectacle musical consacré à Clémence DesRochers), cette création sera présentée à Joliette, Sainte-Agathe-des-Monts et Victoriaville en juillet et août. Huit interprètes partageront la scène pour raconter le triste destin de la Corriveau : Jean Maheux, Renaud Paradis, Frédérike Bédard, Karine Lagueux, Simon Fréchette-Daoust, Frédérique Mousseau, Simon Labelle-Ouimet. Jade Bruneau endossera le rôle-titre en plus de porter la casquette de metteuse en scène.

Cette dernière explique : « Lorsqu’on parle de la Corriveau, on pense surtout à la légende, à la sorcière qui a tué ses sept maris de façons différentes. Mais cette histoire est d’abord et avant tout une histoire vraie, celle d’une femme de 30 ans, qui a été jugée et condamnée en 1763 pour l’assassinat de son deuxième mari, Louis Dodier, un homme colérique. Le procès a été rapide et s’est déroulé en anglais, une langue que ne comprenait pas la Corriveau… »

Jugée coupable, la mère de famille a été fouettée et pendue, avant que son corps ne soit exposé aux yeux des passants, enfermé dans une cage suspendue non loin des plaines d’Abraham.

  • Frédérique Mousseau, Jean Maheux et Renaud Paradis comptent parmi les interprètes de La Corriveau.

    PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

    Frédérique Mousseau, Jean Maheux et Renaud Paradis comptent parmi les interprètes de La Corriveau.

  • Frédérike Bédard sera la procureure.

    PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

    Frédérike Bédard sera la procureure.

  • Simon Fréchette-Daoust interprétera quant à lui le rôle du mari violent de la Corriveau, Louis Dodier.

    PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

    Simon Fréchette-Daoust interprétera quant à lui le rôle du mari violent de la Corriveau, Louis Dodier.

  • Jade Bruneau (au centre) porte la double casquette d’interprète et de metteuse en scène pour ce spectacle.

    PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

    Jade Bruneau (au centre) porte la double casquette d’interprète et de metteuse en scène pour ce spectacle.

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Pour cette pièce qui comptera pas moins de 26 chansons originales, les créateurs ont voulu s’attarder à l’histoire véridique de Marie-Josephte Corriveau, mais aussi aux mythes et légendes qui planent autour de son nom… « La Corriveau est la sorcière la plus tristement populaire du Québec », lance Geneviève Beaudet, coauteure de la pièce avec Félix Léveillé.

« La Corriveau était une femme qui avait du caractère, qui osait se mêler des affaires des hommes, poursuit Geneviève Beaudet. Elle était déjà passée au tordeur de l’opinion publique avant d’être accusée de meurtre. »

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

La dramaturge Geneviève Beaudet

Nous nous sommes posé la question de savoir quels traitements aurait subis la Corriveau si elle avait été une de nos contemporaines. Car aujourd’hui encore, les femmes qui dérangent sont victimes de préjugés et de moqueries…

La dramaturge Geneviève Beaudet

Elle ajoute : « Cela étant dit, le spectacle ne sera pas lourd pour autant. Il s’agit d’une tragicomédie qui fera rire entre deux larmes ! Nous allons donner à la Corriveau l’espace nécessaire pour qu’elle se raconte. » En quelque sorte, les créateurs souhaitent sortir Marie-Josephte de la cage où la légende l’a enfermée.

Pour Jade Bruneau, l’histoire de la Corriveau n’est pas qu’un fait divers d’un passé lointain : elle résonne plus que jamais en cette période où les cas de violence conjugale, d’agressions sexuelles et de féminicides sont en hausse. « Les victimes sont souvent lynchées sur la place publique par le truchement des médias sociaux. Ce sont des causes qui sont encore difficiles à gagner pour les femmes. »

Une histoire qui se répète

Dans l’extrait présenté cette semaine aux médias, le texte aux paroles puissantes, rythmé par une musique qui nous colle au cerveau, traçait clairement un trait d’union entre 1763 et aujourd’hui. L’histoire, tristement, semble se répéter… même si près de 260 années ont passé.

Il faut se souvenir qu’à l’époque de la Corriveau, le climat social était tendu pour de tout autres raisons, rappelle l’historienne Catherine Ferland, coauteure de l’essai La Corriveau, de l’histoire à la légende.

« La Nouvelle-France venait de basculer dans le giron britannique et tout le monde se demandait ce qui allait se passer. La Corriveau, et en particulier la cage où son corps a été enfermé, représente aussi le patriarcat de l’époque. Il y a plusieurs niveaux de lecture quand on s’intéresse à cette femme. »

Jean Maheux est d’accord. « C’est fort en batinse, cette histoire-là ! », lance celui qu’on a vu dans plusieurs pièces de théâtre musical, de Nelligan à L’homme de la Mancha. Dans La Corriveau, la soif des corbeaux, il interprète le père du personnage titre. « Lorsque Jade [Bruneau] m’a dit qu’il s’agissait d’une création, je me suis dit : j’y vais ! » Il rappelle que longtemps, les pièces musicales montées au Québec étaient des adaptations de ce qui se faisait à Broadway. « Déjà à l’école, je me demandais pourquoi on ne travaillait pas plus souvent avec du matériel local, plutôt que de traduire du matériel américain… Mais il se passe de belles choses au Québec actuellement avec le théâtre musical, notamment avec le Théâtre de l’œil ouvert. La solidité du projet m’a inspiré. L’équipe de création est très porteuse. Et c’est l’histoire du Québec qui va se déployer sur scène… »

La Corriveau, la soif des corbeaux sera présenté du 7 au 23 juillet au Centre culturel Desjardins de Joliette, du 27 au 31 juillet au Théâtre le Patriote de Sainte-Agathe-des-Monts et du 4 au 20 août au Carré 150 de Victoriaville.

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